À quelques jours du premier tour des législatives, le débat sur TF1, mardi soir, entre Jordan Bardella (Rassemblement national), Gabriel Attal (majorité présidentielle) et Manuel Bompard (Nouveau Front populaire) a permis d’apporter quelques précisions sur des thématiques santé sensibles. Florilège.
L’AME attaquée par le RN, défendue par la gauche
Interrogé sur l’immigration, l’aspirant Premier ministre Jordan Bardella a renouvelé sa volonté de faire disparaître l’aide médicale d’État (AME) actuelle, laquelle permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un panier de soins défini en France. Une suppression contre laquelle nombre de soignants se sont vivement mobilisés à plusieurs reprises, invoquant l’impact délétère de santé publique mais aussi le non-sens financier. Qu’importe, le président du RN a ainsi ciblé « la gratuité des soins », « toute la palette de soins gratuite, sans exception » pour les étrangers sans papiers, en opposition au fait qu’« un retraité sur trois renonce à se soigner parce que le reste à charge est trop important », a-t-il argumenté.
Manuel Bompard, coordinateur de la France Insoumise (LFI), a répliqué que cet argumentaire était « faux », expliquant que la suppression de l’AME était « absurde », parce que « les pathologies vont s’aggraver et ça coûtera plus cher de les soigner. Aussi, cela fait courir un risque de propagation d’épidémie sur l’ensemble de la population ». De surcroît, cela ferait, selon lui, « augmenter la pression sur le système hospitalier de manière catastrophique ».
Gabriel Attal, qui s’est déjà exprimé sur le sujet, n’a pas eu l’opportunité de le faire à nouveau mardi soir. Toutefois, en début d’année, Gabriel Attal avait annoncé, non pas la suppression mais une « réforme » de l’AME « avant l'été » et « par voie réglementaire ». Élisabeth Borne, l’ancienne Première ministre, l'avait promis à la droite lors des négociations sur le projet de loi immigration.
« Régulation » : le Nouveau Front populaire arrondit les angles
Autre volet du débat télévisé, « le sentiment d’abandon des Français par rapport aux services publics », notamment dans les déserts médicaux. Sur ce terrain, Manuel Bompard s’est employé à préciser la proposition programmatique du Nouveau Front populaire concernant une « régulation » à l’installation des praticiens, véritable chiffon rouge pour les libéraux. Le député sortant compte s’appuyer sur la proposition de loi déjà portée par son collègue socialiste Guillaume Garot qui, fort des travaux d’un groupe transpartisan (incluant des députés de la majorité) proposait que les médecins « en priorité s’installent dans les déserts médicaux », a-t-il nuancé. Relancé sur sa volonté éventuelle de « coercition », Manuel Bompard a réaffirmé que la logique de ce texte transpartisan était plutôt de « ne pas installer davantage de médecins dans des zones suffisamment pourvues », et non pas de contraindre ou punir. L’occasion de défendre, en parallèle, le développement de centres de santé municipaux, embauchant des praticiens salariés.
De son côté, Gabriel Attal a admis qu’il fallait absolument « plus de médecins ». Le locataire de Matignon a défendu à cet effet le bilan de la majorité, avec la suppression du numerus clausus dès 2018, qui programme 16 000 médecins formés chaque année à partir de 2027 (soit deux fois plus qu’en 2017). En attendant les dix ans de formation initiale, l’urgence est de « libérer du temps médical », ce à quoi s’attelle la majorité. Gabriel Attal a mis en avant les récentes délégations d’actes telles que la délivrance directe d’antibiotiques (en cas d’angines ou de cystites) pour les pharmaciens. Le candidat à la députation à Vanves (Hauts-de-Seine) a brièvement mentionné l’objectif gouvernemental de 100 % des départements couverts par le service d’accès aux soins (Sas) d’ici à cet été – pour le moment à 80 % – ainsi que la régularisation des médecins étrangers (Padhue).
Favoriser le cumul emploi retraite dès cet été, mesure phare du RN
Pour endiguer la pénurie de praticiens, Jordan Bardella a promis de son côté « dès cet été », pour les médecins et les soignants qui le souhaitent, « de pouvoir continuer à travailler, y compris s’ils sont à la retraite, dans le cadre d’un plan de cumul emploi retraite », grâce à de nouvelles incitations. L’avantage étant que ceux qui choisiront de continuer à travailler « une fois l’âge de la retraite arrivé » seront « exonérés d’impôt sur le revenu pour les revenus qu’ils auront réussi à dégager ».
Le Premier ministre a fait remarquer que c’est déjà le cas dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), qui permettent – outre des aides financières – de bénéficier, comme toute entreprise libérale créée dans ces zones, d’une exonération fiscale sur les bénéfices. Il en est de même pour la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Une disposition incitative similaire avait été prise pour 2023 par la majorité, grâce à un amendement du Pr Philippe Juvin (Les Républicains) adopté lors de la LFSS pour la même année. Les praticiens en cumul emploi retraite avaient été exonérés de cotisations vieillesse, avec un plafond de 80 000 euros de revenus annuels, hors activité salariée.
En 2023, la Carmf renseignait que plus de 12 500 médecins étaient en cumul emploi retraite, avec une moyenne d’âge de 72 ans.
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