Sur la santé, les candidats à la présidentielle sont-ils trop prudents ?

Publié le 10/04/2017
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Crédit photo : Capture d'écran Youtube

Tout ça pour ça ? Dans un récent article publié dans la revue Droit médical, l'universitaire Elisa Chelle (photo) s'interroge sur le manque d'audace des candidats à la présidentielle sur la santé. Selon cette spécialiste de Science politique lyonnaise, les différents champions se rassemblent sur des engagements vagues et "lieux communs", promettant tous, peu ou prou, le développement de la prévention, la promotion du meilleur remboursement des soins dentaires ou optiques et s'accordant sur la nécessité de prioriser l'implantation de médecins en zones rurales. Mais les programmes pêchent, selon elle, par leur manque de propositions concrètes : "Y trouver une solution effective n'est pas la préoccupation sous tendant ces formulations. Il s'agit plutôt de se montrer préoccupé par les soucis du lot commun des Français", décrypte-t-elle.

Pour cette observatrice des débats sanitaires du moment, les audaces avancées au départ de la compétition pour mieux se démarquer de ses concurrents du même bord lors de la campagne des primaires ont vite été oubliées par la suite. Ainsi de la distinction entre "petit" et "gros" risque lancée par François Fillon. Et ensuite, "au fil de la campagne, le tir dut être rectifié." La droite n'a pas le monopole du rétropédalage sur les plateformes santé : "Même l'encadrement strict de l'installation des médecins libéraux en ville -une question agitée en amont des primaires de la gauche- fut par la suite mise de côté," observe Elisa Chelle.

La santé est un "terrain miné"

Son article est sévère pour la plupart des ténors de cette présidentielle. "Les propositions de Benoît Hamon sont marquées par une approche ni médicale, ni organisationnelle de la santé," lâche-t-elle à propos d'un candidat socialiste, dont le volet santé se résume, selon elle, à de l'hygiène de vie de bon sens. À côté, elle observe que celui d'En Marche s'est bien gardé aussi de faire de la santé un des six éléments principaux de sa feuille de route, sur ce terrain, Emmanuel Macron "prenant soin de rester dans les zones franches de la généralité."

Au total, pour cette universitaire, peu de différences réelles émergent chez les candidats sur le terrain de la santé et peu de réformes concrètes sont finalement proposées. Même si phraséologie et idéologie peuvent opposer, parfois assez vivement, les uns et les autres : accent davantage mis sur l'accès aux soins et l'étatisation du système à la gauche de la gauche, insistance sur la lutte contre la fraude et les restrictions aux étrangers à droite et à l'extrême droite.

Le sort de l'hôpital étant sans doute la meilleure illustration de cette prudence de sioux qui caractérise les compétiteurs : "dans les programmes des candidats, si l'hôpital est évoqué, c'est avec précaution : on parle 'd'autonomie' à droite, de 'burn-out' des soignants à gauche. Aucune réforme structurelle ne se profile à l'horizon." Alors, pourquoi tant de précautions ? Parce que la santé est un "terrain miné", estime l'auteur qui suggère deux explications à ces non dits en temps de campagne : complexité de ces sujets et pouvoir des lobbies. "Changer le système de santé amène à un débat technique. Toute réorganisation de fond bousculerait de surcroît, les chasses gardées des professionnels de santé et autour de la santé".


Source : lequotidiendumedecin.fr