« Toute une génération de médecins est en train de partir et elle n’a rien anticipé », accuse un généraliste breton

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Publié le 16/01/2018
Dr Nicolas Thual

Dr Nicolas Thual
Crédit photo : DR

Les jeunes médecins tous fainéants et pas désireux de s’installer à la campagne ? Le refrain agace le Dr Nicolas Thual, généraliste breton de 44 ans à l’initiative de la création d’un pôle de santé en 2004 à Bréhan. 

Les propos de Guillaume Peltier relayés lundi par « Le Généraliste », où le vice-président des Républicains déclare vouloir contraindre les médecins à s’installer deux à trois ans en zone sous-dotée après leurs études, ont passablement irrité le Dr Thual. « C’est vrai qu’aujourd’hui certains des jeunes qui viennent travailler avec nous calculent leur taux d’imposition, reconnaît-il. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils ne veulent pas travailler. »

Les anciens « ont leur part de responsabilité »

Le praticien, fatigué des attaques à l'encontre des jeunes, aimerait qu’on s'attaque davantage aux anciennes générations, qu’il estime épargnées par les critiques concernant la désertification médicale. Pour lui, les anciens ont aussi « leur part de responsabilité ».

« Je vis dans une commune de 2 000 habitants en Centre Bretagne où la population médicale est âgée de 56 ans en moyenne, avec des patientèles énormes. Mais beaucoup de praticiens ne font aucun investissement », assure-t-il. Le praticien breton se dit choqué d'entendre certains stagiaires lui dire : « Tu sais qu’on va en stage dans des cabinets où il n’y a pas d’équipement informatique ? ». Et le Dr Thual de s’indigner : « Ce n’est pas normal qu’il n’y ait pas ce minimum d’investissement. Comment voulez-vous après transmettre un cabinet s’il n’est pas informatisé ? »

L’Ordre pas assez incisif

« Toute une génération est en train de partir et elle n’a rien anticipé », dit-il encore. Et pour cela, le Dr Thual blâme l’Ordre des médecins, qu’il souhaiterait voir « plus incisif » avec les générations proches de la retraite. Le quadragénaire propose que le CNOM impose à ces médecins de devenir maîtres de stage et d’investir dans l’outil professionnel. « Si un médecin de 65 ans n’est pas informatisé, il ne trouvera personne pour lui succéder », affirme-t-il.

Le généraliste enjoint l’Ordre à former les « anciens » à partir : « il y a quand même des règles déontologiques à respecter : avertir la patientèle, les confrères, se préoccuper du devenir des dossiers… ». Le Dr Nicolas Thual, qui cible principalement la campagne, souhaite que l’Ordre contrôle que le lieu d’exercice des praticiens de plus de 55 ans soit bien aux normes et informatisé. Pour ceux qui exercent dans des pôles de santé, l’agence régionale de santé (ARS) devrait contrôler le respect des projets de santé, estime-t-il.

La mode des bâtiments

Les réponses actuelles à la désertification médicale ne sont selon lui pas adaptées. « Depuis cinq six ans la problématique de démographie médicale semble se résoudre à travers des bâtiments. C’est la grande mode. Ça peut être intéressant à la condition que l’initiative vienne des professionnels de santé, explique le Breton. On les reconnaît ces initiatives, elles vivent»

Le généraliste aimerait que les sommes investies dans ces bâtiments financent plutôt la venue des jeunes dans les cabinets. « À Bréhan, nous prenons en charge le loyer de nos internes, leurs frais de transports. On a même proposé de prendre en charge les frais de nounous pour des stagiaires ayant des enfants », assure-t-il. Et ça marche, affirme le médecin. « Les six jeunes qui se sont installés sur notre secteur sont six anciens stagiaires. »

Le généraliste suggère également de salarier des infirmières dans des cabinets de généralistes, qui pourraient faire office de filtre, à l’instar des assistants dentistes ou encore de développer un concept de médecin assistant. À Bréhan, depuis trois ans et avec la bénédiction de l’Ordre, de l’ARS et de l’Union régionale des professionnels de santé, des jeunes peuvent exercer en même temps qu’un titulaire au même cabinet, afin d’assurer la transition. 


Source : lequotidiendumedecin.fr