Après son durcissement au Sénat, le projet de loi immigration est examiné à l’Assemblée nationale, en commission des lois. Les députés devront décider s'ils s'alignent sur la position de la chambre haute, qui a notamment voté la suppression de l'aide médicale d'État (AME), remplacée par une aide médicale d’urgence (AMU).
Si elle était adoptée, cette réforme impliquerait une forte réduction du panier de soins accordé aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois. Mais sans attendre l'issue du débat parlementaire, la communauté médicale alerte une nouvelle fois sur les effets délétères d'une telle réforme.
Dans un plaidoyer étayé d'arguments scientifiques, 23 sociétés savantes*, collèges, fédérations, conférences, syndicats, centres de santé et associations médicales exhortent « solennellement les députés et le gouvernement à ne pas supprimer l’aide médicale d’État, à s’opposer fermement à toutes restrictions de son périmètre, et à revenir sur les limitations qui lui ont été adjointes depuis sa création ».
« Non-sens » sanitaire et économique
Supprimer l’AME et donc limiter l’accès aux soins des sans-papiers est un « non-sens sur le plan de la santé publique, mais aussi économique, et n’est ni plus ni moins qu’une atteinte grave aux principes des droits humains garantissant un droit à la santé et aux soins pour toutes et tous sur le territoire français et européen », exposent-t-il encore. De plus, des travaux épidémiologiques, sociologiques et démographiques « battent en brèche l’idée d’un appel d’air [argument repris par une partie de la droite, NDLR] basé sur le modèle de protection sociale français et sur l’existence de l’AME », insistent-ils. La restriction de l’AME, résument-ils, « n’aurait donc aucun effet sur les flux migratoires ».
En revanche, une telle réforme risque d'aboutir à un engorgement du système de santé, avec des complications lourdes supplémentaires. Raboter l'AME « se traduira par une sollicitation accrue des permanences d’accès aux soins de santé [PASS] et des services d’urgences, ainsi que par davantage d’hospitalisations dont la complexité et la durée impliquent de facto des coûts plus élevés, peut-on lire. De plus, les sorties d’hospitalisation en soins de suites et de réadaptation (...) seront rendues impossibles, une couverture maladie étant indispensable avant tout transfert. Ce phénomène ne fera qu’accentuer la congestion déjà majeure de l’hôpital public. »
SOS refuse toute politique de tri
Également très remontée, SOS médecins fait savoir de manière courte mais incisive son désaccord avec la suppression de l'AME : les praticiens de l'association « ont toujours soigné les patients en fonction de leurs besoins et sans discrimination, et ce sept jours sur sept et 24 heures/24. Ils continueront à le faire demain ».
Pour l'organisation présidée par le Dr Jean-Christophe Masseron, « les médecins SOS ne sauraient se transformer en agents d’une politique de tri entre les patients relevant de l’aide médicale urgente (AMU) ou non ». Dès lors, SOS médecins « refuse l’instrumentalisation de la médecine dans le cadre d’une politique migratoire » et demande le maintien de l'AME.
*Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf), Société française de lutte contre le Sida (SFLS), Société française de médecine d'urgence (SFMU), Société française de santé publique (SFSP), Collège de la médecine générale (CMG), Société de réanimation de langue française (SRLF), Société française de pédiatrie (SFP), Société francophone de médecine tropicale et de santé internationale (SFMTSI), Collège national des généralistes enseignants (CNGE), Société française de pneumologie de langue française (SPLF), Société de formation thérapeutique du généraliste (SFTG), Société de médecine des voyages (SMV), Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG) Société française de microbiologie (SFM), Société française de virologie (SFV), Coordination nationale des PASS, Conférence nationale des présidents de CME et de CMG des Centres Hospitaliers (CMECH), Conférence nationale des présidents de CME des Centres Hospitalo-Universitaires (CMECHU), Fédération nationale des centres de santé (FNCS), Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS), Syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI), Comité consultatif national d’éthique (CCNE), SAMU Urgences de France (SUDF)
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