Fumeur, non-fumeur

Les gènes du cancer pulmonaire dévoilent leurs spécificités

Publié le 11/01/2012
Article réservé aux abonnés
1326248246313426_IMG_75065_HR.jpg

1326248246313426_IMG_75065_HR.jpg

DEUX PAS importants dans la compréhension du cancer pulmonaire ont été présentés, à San Diego (Californie), au cours de la conférence sur les origines moléculaires de cette tumeur*. Ils sont d’ordre génétique.

Une équipe de l’université Weill Cornell (New York) s’est attachée à l’identification de marqueurs précancéreux dans les voies aériennes des fumeurs encore en bonne santé. Renat Shaykhiev a présenté les travaux de l’équipe sur les aspects de la « cancérisation moléculaire ». Les chercheurs se sont rendu compte que ces processus diffèrent selon que le tabagisme atteint l’épithélium de bronches de gros ou de petit calibre.

L’épithélium des petites bronches.

Pour parvenir à leur objectif, comprendre la pathogénèse précoce de la tumeur, ils ont enrôlé trois types de population : des non-fumeurs sains, des fumeurs sains et des fumeurs porteurs d’une BPCO. Ils ont constaté davantage de modifications de l’expression des gènes sur les grosses bronches des fumeurs que des non-fumeurs. À l’inverse, l’épithélium des petites bronches ne montrait pas de différence d’aspect de cancérisation moléculaire entre non-fumeurs et fumeurs sains, mais il existait, chez les tabagiques atteints de BPCO, une surrégulation des gènes impliqués. L’étude, pour un même individu, montre bien plus souvent des aspects de cancérisation moléculaire sur l’épithélium des grosses bronches.

L’ensemble de ces données suggère que le processus de cancérisation se développe à l’échelon moléculaire sur les voies aériennes de gros calibre bien avant la survenue de la tumeur. Leur épithélium apparaît plus sensible aux modifications induites par le tabac.

La contribution de cette étude, explique le chercheur, porte sur la mise au point d’un test diagnostique, dont l’idéal serait qu’il entre en pratique courante.

Un transcriptome intégral.

L’autre travail présenté à San Diego concerne un cancer bronchopulmonaire plus rare (10 % des cas), celui du non-fumeur (moins de 100 cigarettes au cours de la vie). Thimothy G. Whitsett et son équipe (TGen, Phœnix, Arizona) ont commencé à identifier les mutations et les voies de signalisation conduisant à son apparition. Il s’agit d’un travail préliminaire puisque fondé sur deux cas d’adénocarcinome pulmonaire : une patiente non-fumeuse atteinte d’une forme débutante et l’autre d’une forme avancée. Leurs données moléculaires ont été comparées à celles d’une fumeuse au stade tardif de l’affection. Toutes trois ont bénéficié d’un séquençage du génome dans sa totalité ainsi que d’un transcriptome intégral.

Dans le cas de la patiente non fumeuse au stade précoce, ils ont relevé peu de mutations géniques, mais de nombreuses différences dans le cadre du transcriptome, donc des voies de signalisation. Chez celle porteuse d’une forme avancée, des mutations géniques ont été relevées. Elles portaient sur des gènes suppresseurs de tumeurs dits classiques. Ce qui suggère leur implication dans les formes avancées du cancer pulmonaire du non-fumeur. En revanche, il n’existait pas d’altération des gènes classiquement impliqués dans le cancer pulmonaire, tels qu’EGFR, KRAS et des translocations d’EML/ALK.

Ces deux patientes fournissent donc des indices précieux pour la découverte de nouvelles mutations liées au cancer pulmonaire du non-fumeur. Mais, comme l’explique, Thimothy G. Whitsett, ces données demandent à être validées. Ce qui est en cours auprès de 30 non-fumeurs et de 60 non-fumeurs, tous atteints d’un adénocarcinome pulmonaire.

* AACR-IASLC Joint Conference on Molecular Origins of Lung Cancer : Biology, Therapy and Personalized Medicine, San Diego.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9063