Ces dernières décennies, les changements sociétaux et psychologiques ont eu des conséquences sur la santé des hommes. De nouvelles normes comportementales vis-à-vis du tabac ou de l’alcool témoignent ainsi de rapprochements entre les deux sexes. À cela s’ajoute une masculinité davantage tournée vers l’intériorité, à l’écoute des ressentis et donc de la santé.
Parallèlement à certains changements comportementaux mais aussi sociétaux intéressant les hommes, on enregistre depuis quelques années des évolutions sur leur santé. Un des faits les plus importants concerne la diminution de la mortalité qui est plus marquée chez les garçons, et surtout la mortalité prématurée (avant 65 ans) : - 22,9 % chez les hommes (entre 2000 et 2013) contre - 15,1 % chez les femmes. Cette tendance s’illustre surtout pour les cancers, pour lesquels la mortalité a davantage baissé chez eux (- 2 % par an entre 2010 et 2018), contre - 0,7 % chez leurs congénères féminines. Par ailleurs, l’incidence des nouveaux cas par an a baissé de 1,4 % dans le premier groupe, alors qu’elle augmente légèrement (+0,7 %) dans le deuxième (Inca, 2019). Parmi les diverses raisons de ces changements, on compte l'évolution de certaines normes comportementales. Les hommes auraient-ils rejoint des comportements féminins ? Ou serait-ce l’inverse ? « La tendance des rapprochements masculins et féminins dans toutes les sphères de la vie sociale se traduit par une réduction des écarts en matière d’état de santé. En particulier, le rapprochement des comportements féminins et masculins vis-à-vis de la consommation d’alcool et de tabac », précisent les auteurs du rapport de 2017 sur l’“état de santé de la population en France” (Drees, Santé publique France).
À jeu égal
Concernant le tabac, la baisse récente enregistrée par Santé publique France (BEH, 2019) de la prévalence du tabagisme quotidien parmi les 18-75 ans a été davantage marquée chez les hommes que chez les femmes.
Concernant la consommation d’alcool chez les 17 ans, si les API (alcoolisations ponctuelles intensives) déclarées au cours du dernier mois sont plus fréquentes chez les garçons (49,6 %). De leur côté, les filles ne sont pas très loin (38,1 %). « Pour certaines conduites addictives liées à l’alcool, on a le sentiment que le comportement des femmes tend de plus en plus à se rapprocher de celui des hommes », explique le Dr Marie Zins, médecin épidémiologiste, responsable scientifique et technique de la cohorte Constances (comprenant 200 000 adultes de 18 à 69 ans et dont l’inclusion vient de se terminer). Vis-à-vis de l’alcool, la réalité aurait été longtemps brouillée par des “croyances scientifiques” faisant croire que l’homme était davantage protégé que la femme. En 2017, en définissant de nouveaux repères de consommation, pour l’Inca et Santé publique France, hommes et femmes font désormais jeu égal : « L’alcool, c’est deux verres par jour, et pas tous les jours. »
Ils se sentent en meilleure santé
Un autre repère intéressant concerne la notion de santé perçue. Bien que l’espérance de vie des hommes soit plus courte, la gent masculine se sent en meilleure santé que les femmes, a moins de maladies et recourt moins aux soins à âge égal. D’après Emmanuelle Cambois, directrice de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined), comparé aux femmes, les hommes déclarent moins de maladies invalidantes comme les pathologies musculo-squelettiques et mentales. Parmi les 50-65 ans, les limitations fonctionnelles motrices et sensorielles concernent 43 % des années vécues chez les femmes contre 36 % chez les hommes. En revanche, ces derniers souffrent en moyenne davantage de problèmes graves qui peuvent être létaux (lésions traumatiques, maladies cardiaques et certains cancers) et qui réduisent leur espérance de vie (Questions de santé publique, n° 36, 04/19).
On n’en sait toujours pas assez
Signe des temps, « aujourd’hui, on s’intéresse beaucoup et de manière spécifique à la santé des femmes, sans trop se tourner vers les hommes, constate le Dr Marie Zins. C’est dommage, car avec les changements sociétaux, il y a certainement des investigations spécifiques à mener dans ce domaine. On pourra extraire à partir de la cohorte Constances qui collecte des déterminants sociaux de la santé, des éléments pertinents. Cette base de données est ouverte aux chercheurs en épidémiologie, en sociologie et pourquoi pas en anthropologie. Il existe toujours une différence homme/femme sur les comportements liés à la santé. L’important est de comprendre pourquoi. »