Dévoilé en début d’année, le nouveau Plan addictions n'est pas à la hauteur des attentes et des enjeux de santé publique. Même si des mesures importantes ciblent les jeunes, les dix-neuf priorités énoncées se limitent trop souvent à de bonnes intentions.
En termes de santé publique, on sait que la volonté politique produit des résultats ! Grâce notamment à la mise en place du paquet neutre et à l’augmentation du prix des cigarettes, le nombre de fumeurs a baissé d’un million en une année, et en 2018 il s’est vendu quatre milliards de cigarettes en moins. Malgré ces résultats, le tabagisme n’est pas vaincu, en particulier à cause de l’arrivée de nouveaux modes de consommation (lire encadré ci-dessous).
Nouveaux comportements
Fort de cette expérience probante contre le tabac, il était légitime de penser que le nouveau Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 dévoilé début janvier allait manifester des ambitions fortes vis-à-vis des 13 millions de fumeurs, 5 millions de buveurs quotidiens, 700 000 consommateurs quotidiens de cannabis, etc. Or, tant en termes de prévention que de prise en charge, beaucoup des mesures énoncées déçoivent, en particulier dans la lutte contre l’alcool.
Cependant, certains points forts méritent d’être relevés. Ce plan tient compte par exemple des comportements émergents, dont l’usage excessif des écrans. « Sans forcément parler d’addiction, aujourd’hui beaucoup de jeunes ont une utilisation exagérée des écrans, passant à côté d’autres apprentissages nécessaires », explique Nicolas Prisse, président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), qui a élaboré ce plan validé par le Premier ministre en décembre dernier. L’objectif 3.3 souligne d’ailleurs la nécessité de renforcer les connaissances des professionnels sur ces nouvelles conduites addictives.
Avec plus de 200 mesures ventilées en six axes et 19 priorités, ce plan cible particulièrement les enfants et les jeunes. « Quelle que soit la substance psychoactive absorbée, la consommation précoce provoque des dommages sur des cerveaux en maturation », explique Nicolas Prisse. Aussi est-il important d’agir le plus tôt possible. En commençant même in utero, puisqu’en France le syndrome d’alcoolisation fœtale concerne une naissance sur 1 000. Ainsi, comme l’avait annoncé le Plan prévention en mars 2018, le pictogramme “déconseillé aux femmes enceintes” pour les boissons alcooliques sera agrandi, confirme le Plan de la Mildeca.
Il affiche également la volonté d’accentuer certaines dispositions déjà prises mais mal ou non appliquées, comme l’interdiction de la vente aux mineurs d’alcool, de tabac ou de jeux d’argent. L’objectif n’est pas d’être à tout prix coercitif, mais d’obtenir l’engagement des différents points de vente, en particulier des grandes surfaces, avec des contrôles accentués de la part des préfectures. « Ce Plan souhaite aussi aider les professionnels de santé de premier recours, et en particulier les généralistes », complète Nicolas Prisse. L’offre de prise en charge doit en effet s’étendre au plus grand nombre de patients, et ne plus être confinée à une filière spécialisée en addictologie.
Concernant le cannabis, ce Plan confirme une disposition déjà annoncée par le gouvernement : une amende forfaitaire pour usage de drogue, qui alimenterait le Fonds addictions afin de financer des actions de prévention.