La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice inscrit dans son article 37 une amende forfaitaire délictuelle sanctionnant de 200 € tout usage de stupéfiant tout en conservant la peine d’emprisonnement encourue. Il ne s’agit donc pas, comme on a pu l’entendre, d’une dépénalisation mais bel et bien d’un renforcement répressif des usagers.
Rappelons ici que l’automaticité de l’amende forfaitaire délictuelle déroge aux principes d’individualisation et de proportionnalité des peines, cela représente à mes yeux un affaiblissement des droits des justiciables.
Un effet « de sélection sociale »
Selon le Gouvernement, l'application de cette procédure à ces délits permettrait d'alléger l'activité des juridictions tout en permettant une réponse plus systématique et plus dissuasive. Pourtant aucune étude ne vient l'attester. De plus, cette procédure n’est qu’une faculté et ne vise pas à se substituer aux poursuites devant le tribunal correctionnel. Se posent alors plusieurs questions : dans quel cas les poursuites seront engagées, selon quels critères ?
La problématique des effets inégalitaires d’une telle mesure est passée sous le tapis alors même que le ciblage des jeunes hommes de milieu populaire est une réalité. Dans un avis rendu en novembre 2016, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme souligne en effet que : « les contrôles policiers tendent à cibler plus fréquemment les jeunes hommes issus des minorités visibles ou à s’exercer particulièrement à l’encontre des personnes en situation de grande précarité (...). » L’effet de « sélection sociale » dans la réponse pénale apportée aux infractions à la législation sur les stupéfiants ne peut donc être ignoré. Le premier risque est donc le renforcement du contrôle au faciès et le ciblage des populations les plus précaires.
Pour le dire plus concrètement, je prends régulièrement le métro, la pratique du contrôle d’identité avec fouille m’apparaît plus récurrente à ma station Asnières-Gennevilliers Gabriel Péri qu’à la station Sablons à Neuilly, mais honnêtement j’y suis moins souvent !
On passe à côté des enjeux sanitaires
Le second grand risque et certainement celui qui concerne le plus le lectorat du «Quotidien» est que cette loi passe à côté des véritables enjeux et dégrade un peu plus l’accès à la santé, à la réduction des risques et à la prévention. Alors même que les dispositifs de réduction des risques et d’accès aux traitements de substitution ont montré leur efficacité.
De nombreux pays ayant constaté l’échec du « tout répressif » ont fait le choix d’approches soucieuses de la santé et instauré des politiques de régulation pour une ou plusieurs drogues. C’est un choix qui mise sur l’éducatif et c’est choix qui montre des résultats positifs.
La France nage à contre-courant. Le pourcentage de jeunes Français-es qui déclarent avoir déjà consommé du cannabis est deux fois supérieur à l’ensemble des Européens. La France reste depuis plusieurs années le 3e pays consommateur de cocaïne en Europe. Le gouvernement choisit en connaissance de cause de persévérer dans une politique répressive qui s’est pourtant révélée inefficace et même contre productive.
L’usager est appréhendé comme un délinquant à punir et non comme un malade qu’il faut accompagner, soigner. L’idée selon laquelle la punition sévère serait efficace rencontre souvent de l’adhésion. Mais punir plus n’est pas nécessairement punir mieux. Et dans le cas présent, c’est un échec qui fait des dégâts humains et qui coûte cher au pays.
C’est un grand virage qu’il faut prendre, le gouvernement passe à côté de la construction d’un cadre favorable à la prise en charge. L’interdit éducatif doit reprendre le pas sur l’interdit pénal.
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