Cancer de la prostate localisé : après une prostatectomie pas de radiothérapie adjuvante

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Publié le 16/10/2019
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La radiothérapie adjuvante après prostatectomie en cas de cancer de la prostate localisé n’est pas justifiée selon les premiers résultats de l’étude RADICALS-RT et de la méta-analyse ARTISTIC présentés au congrès de la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO). La survie sans progression à 5 ans est comparable à ceux qui bénéficient d’une radiothérapie en cas de récidive.

Développer des classificateurs génomiques afin de choisir la meilleure stratégie de prise en charge pour chaque patient

Développer des classificateurs génomiques afin de choisir la meilleure stratégie de prise en charge pour chaque patient
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Les premiers résultats de l’étude RADICALS-RT montrent que la radiothérapie adjuvante après la prostatectomie radicale chez les hommes atteints d’un cancer de la prostate localisé ne diminue pas le taux de récidive à 5 ans, en comparaison à une surveillance avec radiothérapie de rattrapage en cas de récidive (élévation du taux de PSA).

« Ces résultats suggèrent que la radiothérapie est tout aussi efficace si elle est administrée peu de temps après la chirurgie ou plus tardivement lors d’une récidive du cancer. De solides arguments plaident maintenant pour une approche standardisée reposant sur la surveillance après prostatectomie radicale et administration de radiothérapie seulement en cas de récidive », explique le Pr Chris Parker (Institute of Cancer Research, Londres), premier signataire de l’étude RADICALS-RT.

« La bonne nouvelle est que dorénavant, de nombreux hommes éviteront ainsi les effets secondaires de la radiothérapie, comme les fuites urinaires et le rétrécissement de l'urètre. Bien que ce soient des complications potentielles de la prostatectomie, leur risque est accru lorsque la radiothérapie est également administrée », précise le Pr Parker.

En faveur de la surveillance

Ces résultats sont confirmés par ceux rapportés de la méta-analyse ARTISTIC qui combine les données de RADICALS-RT et de celles des deux études similaires RAVES et GETUG-AFU17, également présentées au congrès de l'ESMO.

« Les résultats de la méta-analyse ARTISTIC confirment ceux de l’étude RADICALS et apportent davantage de données en faveur de l’approche systématique d’une surveillance avec radiothérapie de rattrapage précoce », précise pour sa part le Dr Claire Vale (University College de Londres), première signataire de la méta-analyse ARTISTIC.

Le Dr Xavier Maldonado (Hôpital universitaire de Vall d’Hebron à Barcelone, Espagne) apporte un commentaire nuancé. « Ces résultats sont les premiers à suggérer que la radiothérapie postopératoire du cancer de la prostate pourrait être évitée ou retardée chez certains patients. Ceci raccourcira la durée du traitement pour ces patients et permettra une meilleure utilisation des ressources puisque la radiothérapie actuelle est techniquement sophistiquée et donc coûteuse. Cependant, un suivi rigoureux sera nécessaire pour identifier les patients nécessitant une radiothérapie de rattrapage », souligne-t-il. Il ajoute qu'un suivi plus long est nécessaire pour atteindre le critère principal d'évaluation de l’étude RADICALS-RT, à savoir l'absence de métastases à dix ans et pour évaluer l'ensemble des toxicités.

Il souligne aussi la nécessité de futures recherches. Pour le Dr Maldonado, l’effort devrait se porter sur l’identification des patients qui requièrent néanmoins une radiothérapie adjuvante pour éviter une rechute locale très précoce et d’éventuelles métastases ultérieures. « Il nous faut développer des classificateurs génomiques afin d’aider à choisir la meilleure stratégie de prise en charge pour chaque patient - si elle doit inclure la chirurgie et/ou la radiothérapie, et à quel moment », estime-t-il.

Une survie sans progression à 5 ans comparable

L’étude multicentrique RADICALS-RT porte sur 1 396 patients ayant subi une prostatectomie radicale pour un cancer de la prostate localisé (Royaume-Uni, Danemark, Canada, Ireland). Ils ont été randomisés soit dans le groupe radiothérapie adjuvante dans les mois suivants (n = 697) soit une surveillance avec radiothérapie de rattrapage en cas de récidive (élévation des PSA ; n = 699). Il est trop tôt pour avoir un résultat concernant le critère principal de jugement de l’étude - l’absence de métastases à 10 ans. Mais les critères secondaires montrent que la survie sans progression à 5 ans est comparable dans les 2 groupes (85 % versus 88 %), ainsi que le taux d’hormonothérapie hors protocole à 5 ans (92 % versus 94 %). La survenue des évènements secondaires est inférieure dans le groupe radiothérapie adjuvante. Le taux d’incontinence urinaire à 1 an est de 5,3 % contre 2,7 % et le taux de rétrécissement de l'urètre (grade 3/4) est de 8 % contre 5 %.

La méta-analyse ARTISTIC (RADICALS-RT, RAVES et GETUG-AFU17) porte sur 1 074 hommes inclus dans le groupe radiothérapie adjuvante et 1 077 hommes dans le groupe radiothérapie de rattrapage. Les résultats préliminaires montrent que la survie sans récidive (ou élévation du taux de PSA) est comparable entre les 2 approches (différence absolue de 1 % à 5 ans en faveur de la radiothérapie de rattrapage). Les futures données finales des études RAVES et GETUG-AFU17 pourront aider à déterminer si certains sous-groupes d’hommes pourraient bénéficier d’un des 2 traitements. Enfin, un suivi plus long est nécessaire pour analyser la survie sans métastase.

C. Parker et al., C. Vale et al., Congrès ESMO 2019 à Barcelone
https://www.esmo.org/Conferences/ESMO-Congress-2019

Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin