Onco-gynécologie

Cancer du col de l’utérus métastatique : le pembrolizumab en accès précoce

Publié le 02/12/2022
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Le cancer du col de l’utérus bénéficie enfin d’une première immunothérapie anti-PD1 au stade métastatique. Disponible en accès précoce post-autorisation de mise sur le marché depuis le 7 septembre, le pembrolizumab (Keytruda) est indiqué en première ligne des tumeurs persistantes, récidivantes ou métastatiques surexprimant PD-L1 avec un score positif combiné (CPS) ≥ 1.

Cancer col utérus

« C’est la première immunothérapie dans le cancer du col de l’utérus (CCU) », souligne le Dr Thibault de la Motte du centre Eugène Marquis de Rennes. Le 25 avril 2022, le pembrolizumab, associé à la chimiothérapie (avec ou sans bévacizumab), a obtenu une extension d’autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne en traitement de première ligne du CCU persistant, récidivant ou métastatique dans les tumeurs exprimant PD-L1 avec un score positif combiné (CPS) ≥ 1. Depuis le 7 septembre, il est dorénavant disponible en accès précoce en France et bénéficie depuis le 14 septembre d’une amélioration du service médical rendu de niveau III. « Environ 90 % des patientes ayant un score PD-L1 positif, la population cible en France est estimée à 700 patientes », précise le Dr de la Motte.

« Le CCU touche surtout la femme jeune, avec une incidence croissante à partir de 20 ans et un pic autour de 40 ans », constate la Dr Patricia Pautier, oncologue à Gustave Roussy (Villejuif). Avec 85 % de carcinomes épidermoïdes et 15 % d’adénocarcinomes, il est dû à une infection par le papillomavirus humain (HPV) dans 98 % des cas. Sur les 12 types d’HPV oncogènes, les deux principaux sont les HPV 16 et 18. Concernant la prévention, « malheureusement, environ 40 % des jeunes filles seulement sont vaccinées contre le HPV en France », rappelle la Dr Pautier. Le temps d’évolution de l’infection vers un cancer s’étale sur une quinzaine d’années. Ainsi, environ une femme sur 1 000 infectées par un HPV développera un CCU. Environ 3 000 nouveaux cas et 1 100 décès sont estimés par an en France (1). La survie à cinq ans de ce cancer n’est que de 63 % (2).

Des alternatives limitées en métastatique

Aux stades précoces, la chirurgie reste le traitement des tumeurs de moins de 4 cm sans extension vaginale ou paramétriale. Une curiethérapie peut également être proposée. Dans les stades plus avancés (tumeurs > 4 cm, atteinte ganglionnaire), le traitement repose sur la radiochimiothérapie (sels de platine), la chirurgie n’étant indiquée qu’en rattrapage. Une curiethérapie utérovaginale peut aussi être réalisée.

« Les CCU métastatiques sont très difficiles à prendre en charge. Le pronostic est très mauvais avec la chimiothérapie seule par sels de platine-paclitaxel. Son association au bévacizumab a augmenté de trois à quatre mois la survie des patientes (soit 15 à 17 mois de survie), mais c’est moins actif en zone irradiée, reconnaît la Dr Pautier. On a vraiment besoin d’accéder à de nouvelles thérapies en première ligne. » De plus, l’apparition de fistules entéro-vaginales, aggravée par le bévacizumab, est invalidante et altère considérablement la qualité de vie. « En deuxième ligne, rien ne fonctionne. Les chimiothérapies donnent moins de 15 % de réponses et des survies sans progression (SSP) de trois à quatre mois seulement », déplore la Dr Pautier.

Risque de décès diminué de 36 %

L’AMM du pembrolizumab fait suite aux résultats de l’étude de phase 3 internationale Keynote-826, menée chez 617 patientes atteintes d’un CCU persistant, en rechute ou métastatique, non préalablement traité par chimiothérapie systémique (3). Les patientes reçoivent le traitement standard de première ligne (paclitaxel et sels de platine +/- bévacizumab) associé soit au pembrolizumab, soit à un placebo. L’ajout du pembrolizumab améliore significativement la SSP chez les patientes PD-L1 positives avec un CPS ≥ 1 (10,4 sous pembrolizumab versus 8,2 mois sous placebo, HR = 0,62, p < 0,001) et dans la population globale (10,4 versus 8,2 mois, HR = 0,65, p < 0,001).

« Presque tous les sous-groupes bénéficient du pembrolizumab, sauf les patientes CPS négatives (< 1) et celles d’emblée métastatiques (à confirmer sur une plus large population), commente le Dr de la Motte. Le bénéfice est peut-être un peu plus marqué chez les patientes recevant le bévacizumab concomitant, en raison d’une légère synergie. » Cela se traduit aussi par une prolongation significative de la survie globale (SG) chez les patientes CPS ≥ 1 (non atteinte versus 16,3 mois, HR = 0,64, p < 0,001) et dans la population totale (24,4 versus 16,3 mois, HR = 0,67, p < 0,001), soit une réduction respective de 36 % et 33 % du risque de décès.

« On retrouve les toxicités habituelles du pembrolizumab, constate le Dr de la Motte. Ce sont principalement des effets indésirables auto-immuns, qui restent assez maîtrisables. Globalement, l’ajout du pembrolizumab ne majore pas les toxicités de manière significative. »

D’après une conférence de presse du laboratoire MSD
(1) F.-F. Hamers et al. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(22-23):410-6
(2) A.-S. Woronoff et al, Inca, septembre 2020
(3) N. Colombo et al. N Engl J Med 2021;385:1856-67

Karelle Goutorbe

Source : Le Quotidien du médecin