Cancer et vieillissement : une équipe Curie/Inserm pointe le rôle des lamines contre l'immunosénescence

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Publié le 26/09/2023
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Crédit photo : voisin/phanie

En étudiant les cellules immunitaires dans le poumon, des chercheurs de l’Institut Curie et de l’Inserm ont apporté de nouvelles connaissances sur les liens entre cancer et vieillissement. L'équipe suggère que cibler les ruptures de l'enveloppe nucléaire de ces cellules est une piste d’intervention thérapeutique dans les maladies liées à l’âge, notamment le cancer. Financés par la Fondation ARC, ces travaux viennent d’être publiés dans la revue Nature Aging.

On estime qu'en France, plus des deux tiers des nouveaux cancers diagnostiqués surviennent chez des personnes de plus de 65 ans. Au-delà de cet âge, les altérations génétiques s'accumulent, les mécanismes de réparation de l’ADN deviennent moins efficaces et le système immunitaire se dégrade.

Le noyau constitue le talon d'Achille des cellules immunitaires face au vieillissement. Lorsqu’elles transitent dans les différents tissus de l'organisme, les cellules du système immunitaire sont sensibles aux déformations, qui fragilisent leur noyau et favorisent les cassures d’ADN.

Pour maintenir l'intégrité du génome, il existe un réseau dense de protéines, dont font partie les lamines. Les chercheurs ont étudié en particulier la lamine A/C, connue pour subir des altérations au cours du vieillissement. Des mutations au niveau du gène codant pour cette lamine sont connues pour être associées au syndrome de vieillissement précoce.

Des macrophages moins nombreux et moins fonctionnels

L'équipe de Nicolas Manel, directeur de recherche à l’Inserm et chef d'équipe à Curie, s'est appuyée sur un nouveau modèle expérimental de souris, chez lesquelles a été spécifiquement supprimée, dans les cellules immunitaires, l'expression du gène codant pour la lamine A/C.

Les scientifiques ont constaté que les macrophages alvéolaires présentent de graves signes de fractures de leur noyau et des dommages au niveau de l'ADN. Moins nombreux et moins fonctionnels, ces macrophages partageaient des caractéristiques avec ceux des sujets âgés. 

Le déficit en lamine A/C augmentait considérablement le risque de cancer pulmonaire et sa sévérité. Ces observations sont capitales pour les chercheurs, qui affirment détenir là un nouveau modèle d’étude de l'immunosénescence chez les personnes âgées.

« Nos résultats ouvrent de nombreuses perspectives pour l’étude du vieillissement du système immunitaire provoqué par la rupture de l’enveloppe nucléaire et la diminution de son efficacité contre les infections et les tumeurs, dans les poumons, mais aussi dans d’autres organes », souligne Nicolas Manel.

 

Des recherches menées aussi aux États-Unis

Le rôle important du vieillissement des macrophages interstitiels dans la physiopathologie du cancer du poumon a également été souligné dans une étude publiée par les chercheurs de la Mayo Clinic (Rochester, Minnesota), dans la revue « Cancer Cell ». L'équipe a en effet montré dans un modèle de souris, qu'avec l'âge, les macrophages deviennent sénescents : ils ne se divisent plus, dysfonctionnent et pourtant ne sont pas éliminés.

Non seulement ces macrophages sénescents ne luttent plus contre les cellules cancéreuses, mais ils stimulent de surcroît la croissance tumorale en bloquant localement la réponse immunitaire.

Les chercheurs ont constaté chez la souris qu'en éliminant spécifiquement les macrophages sénescents, la croissance tumorale était freinée. Leur hypothèse est que les cellules précancéreuses échangent avec les cellules de leur environnement immédiat, y compris les macrophages dont elles peuvent provoquer la sénescence.


Source : lequotidiendumedecin.fr