Les thérapies focales pour sortir du surtraitement

La photothérapie dynamique rebat les cartes dans le cancer localisé de la prostate

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Publié le 15/12/2016
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Crédit photo : Steba Biotech

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Crédit photo : CHU Angers

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Crédit photo : CHU Angers

Le dépistage du cancer de la prostate, actuellement très controversé, serait-il en train de gagner une nouvelle légitimité ? En ouvrant une troisième voie entre traitement radical et surveillance active dans les formes localisées, les thérapies focales actuellement en plein essor promettent de sortir de la problématique du surtraitement.

Et dans cette voie alternative, la photothérapie dynamique se place en très bonne position à côté des ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) et de la cryothérapie. La photothérapie dynamique apporte la preuve, pour la première fois, d'une supériorité par rapport à la surveillance active, comme le met en évidence une étude multicentrique européenne (PCM301) présentée lors du dernier congrès de l'European Association of Urology (EAU) en mars 2016 à Munich.

Un tournant qui a lieu en France

« C'est la technique focale qui a le niveau de preuve scientifique le plus fort », se félicite le Pr Abdel-Rahmène Azzouzi, chef du service d'urologie au CHU d'Angers et co-auteur de cette étude randomisée à paraître dans « The Lancet Oncology ». On a fait le pari de cette technique vaso-occlusive dès 2008, avant même l'avancée technologique récente de l'IRM et des biopsies ciblées. Tout concourt au changement de paradigme vers des traitements focaux et personnalisés. Avec la photothérapie dynamique, l'HIFU et les logiciels de fusion d'images comme Koelis à Grenoble, la France confirme son excellence en urologie. »

Les autorités de santé en France, comme ailleurs dans le monde, ne recommandent pas le dépistage du cancer de la prostate dans la population générale. « Oui, le surtraitement existe, avec plus de 17 000 traitements radicaux par an aujourd'hui en France, reconnaît le Pr Azzouzi. C'est un vrai problème. Les robots n'ont fait que forcer le trait, en poussant à la consommation pour rentabiliser l'achat. Or la récente étude ProTect du "New England Journal of Medicine" a montré qu'à 6 mois, il y avait 88 % de troubles de l'érection et 46 % d'incontinence avec les traitements radicaux ». Il apparaît dans cette étude pivot que la mortalité spécifique reste peu élevée à 10 ans, sans différence entre prostatectomie, radiothérapie et surveillance active. Gros bémol pour la surveillance active, elle expose à un risque plus élevé de progression de la maladie et de métastases.

Une technique vaso-occlusive

Développée par la société Steba biotech en collaboration avec l'institut Weizmann en Israël, la photothérapie dynamique repose sur l'administration intraveineuse d'un photosensibilisant, le padeliporfin à 4 mg/kg (Tookad) et l'activation du produit via une lumière laser délivrée pendant 22 minutes par des fibres optiques insérées préalablement en transpérinéal (grille) sous anesthésie générale dans le lobe prostatique à traiter sous repérage échographique (sonde endorectale).

« La technique est enfantine, décrit l'urologue. Elle consiste à piquer avec des aiguilles, et cela peut désarçonner les chirurgiens ! Le patient, lui, s'approprie vraiment le traitement avec la simulation par IRM ». La procédure totale dure moins de 1 heure 30. Les patients peuvent sortir dans la journée ou le lendemain et doivent éviter l'exposition à la lumière directe pendant 24 heures. Une IRM de la prostate est réalisée 7 jours après la procédure pour confirmer le volume de la prostate.

Réalisée dans une cinquantaine de centres dans 10 pays, dont 13 en France, cette étude européenne a mis en évidence de meilleurs résultats à 2 ans pour la photothérapie dynamique (n = 206) par rapport à la surveillance active (n = 207). « Les patients inclus avaient un cancer de la prostate à faible risque, détaille le Pr Azzouzi. Les PSA étaient compris entre 4 et 10, avec un score de Gleason à 6, avec au minimum 2 biopsies positives ou une biopsie ≥3 mm et au maximum 3 biopsies positives ≤ 5 mm ».

Une technique au statut de médicament

La photothérapie dynamique réduit par 5 le risque de traitement radical, qui est de 30 % dans le groupe témoin surveillance active par rapport à 6 % dans le groupe traité. Le risque de progression de la maladie est divisé par 2, passant de 58 % dans le groupe témoin à 28 % dans le groupe traité. « La tolérance est excellente, souligne Abdel-Rahmène Azzouzi. Il n'y a pas de différence significative entre les deux groupes concernant les troubles urinaires et de l'érection ».

Concernant le risque de métastases, le suivi de l'étude est encore trop court pour se prononcer. « Néanmoins, le suivi à presque 10 ans des tout premiers patients traités est très encourageant », précise le Pr Azzouzi.

La photothérapie dynamique a le statut de médicament avec une demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) en cours d'évaluation à l'Agence européenne du médicament. « Dès que l'AMM sera obtenue, la procédure pourra être proposée aux patients, met en perspective Abdel-Rahmène Azzouzi. Pour les cancers à bas risque, l'idée aujourd'hui est d'être le plus conservateur possible et de se limiter à traiter la lésion index. L'objectif est d'arriver à diviser par deux le chiffre des traitements radicaux en France. Le cancer de la prostate doit être présenté comme une maladie chronique peu agressive, et cela change tout dans la tête des patients ».  

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9543