Deux enzymes impliquées

La piste des lipases contre la cachexie

Publié le 23/06/2011
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LA CACHEXIE est un syndrome multifactoriel défini par une perte incontrôlée du poids qui résulte d’une fonte des masses adipeuse et musculaire. Une supplémentation nutritionnelle est impuissante à l’enrayer. Elle s’observe dans certaines maladies chroniques (BPCO, infection par le VIH, tuberculose), mais elle survient surtout dans les cancers en phase terminale, notamment ceux du pancréas (85 % des patients) et de l’estomac ; elle serait responsable du décès de 15 % des patients cancéreux.

« On sait depuis un certain temps que chez les patients cancéreux cachectiques, la lipolyse est suractivée dans le tissu adipeux. Ceci nous a conduits à émettre l’hypothèse selon laquelle les enzymes du catabolisme des graisses pourraient jouer un rôle causal dans le développement de la cachexie », explique le Dr Rudolf Zechner, de l’université de Graz (Autriche), dans une interview enregistrée par la revue « Science ».

La dégradation des graisses requiert une lipolyse des triglycérides qui sont stockés dans les gouttelettes lipidiques. Elle est réalisée par deux enzymes : l’adipose triglycéride lipase (ATGL) et l’hormone-sensitive lipase (HSL).

Des souris déficientes en ATGL ou en HSL.

L’équipe autrichienne, dirigée par les Drs Zechner et Gerald Hoefler, s’est demandée si l’une ou l’autre de ces enzymes joue un rôle crucial dans la cachexie liée au cancer. Pour cela, ils ont utilisé des souris knock-out, génétiquement déficientes en ATGL ou en HSL. Ils ont étudié la cachexie associée au cancer du poumon et celle associée au mélanome.

Lorsque des souris normales reçoivent l’injection sous-cutanée de cellules de carcinome pulmonaire ou de mélanome, elles déclarent toutes un cancer accompagné d’une cachexie (perte de 1,8 à 3,3 g après 2 à 3 semaines), avec fonte du tissu adipeux blanc et de la masse musculaire.

À l’inverse, les chercheurs ont constaté que les souris déficientes en ATGL développent les cancers sans perdre du poids pour autant. Elles ne présentent pas de lipolyse et, de façon inattendue, ne perdent pas de la masse musculaire. Les souris déficientes en HSL sont également protégées contre la cachexie, mais seulement de façon partielle.

« Par conséquent, la lipolyse fonctionnelle est essentielle dans la pathogenèse de la cachexie associée au cancer. L’inhibition pharmacologique des lipases métaboliques pourrait donc aider à prévenir la cachexie », concluent les chercheurs. Il reste à démontrer que l’inhibition des lipases par des médicaments préviendrait effectivement la cachexie. Pour cela, il faudra mettre au point des inhibiteurs des lipases. Le mécanisme d’action devra également être élucidé.

Sciencexpress 16 juin 2011, Das et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8988