Un espoir face au risque de cancer pulmonaire

Le célécoxib en prévention chez les ex-fumeurs

Publié le 07/07/2011
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Crédit photo : S TOUBON

DE NOTRE CORRESPONDANTE

« NOS RÉSULTATS suggèrent fortement que le célécoxib pourrait être utilisé comme agent chimiopréventif du cancer du poumon dans les groupes à haut risque de fumeurs et ex-fumeurs », déclare dans un communiqué le Pr Jenny Mao (University of New Mexico, Albuquerque) qui a dirigé l’étude clinique.

Près de 90 % des décès par cancer du poumon dans les pays développés sont dus à la fumée du tabac. Si l’arrêt du tabagisme diminue le risque de cancer du poumon avec le temps, il n’élimine pas complètement ce risque chez les ex-fumeurs. Aussi une approche complémentaire de chimioprévention serait précieuse.

De nombreuses études ont suggéré que la voie de la COX-2/PEG2 (cyclooxygénase-2/ prostaglandine E2) joue un rôle pivot dans le développement des cellules malignes. L’inhibition de la COX-2 inhibe la carcinogenèse pulmonaire dans des modèles animaux.

Dans une précédente étude de phase IIa chez des fumeurs, l’équipe a constaté qu’un traitement de six mois par célécoxib, un inhibiteur de COX-2, réduit l’indice de prolifération Ki-67 dans les biopsies épithéliales bronchiques, un biomarqueur de la carcinogenèse pulmonaire.

Encouragés par ces résultats, Mao et coll ont conduit une étude de phase IIb chez des ex-fumeurs, pour lesquels une chimioprévention serait encore plus efficace. Les résultats sont publiés dans « Cancer Prevention Research », un journal de l’American Association for Cancer Research.

Les chercheurs ont enrôlé 137 ex-fumeurs âgés de plus de 45 ans, ayant fumé plus de 30 paquets-année (soit, par exemple, un paquet par jour pendant plus de 30 ans). Ils ne fumaient plus depuis au moins un an. Ces sujets étaient indemnes d’anomalie cardio-vasculaire, rénale ou hépatique ; ils étaient à faible risque de maladie coronarienne (score de Framingham à dix ans inférieur à 10 %), une précaution prise en raison du risque cardio-vasculaire signalé en 2004 avec la prise à long terme du célécoxib. Les sujets ont été randomisés, en double insu, de façon à recevoir le célécoxib (400 mg, deux fois par jour) ou un placebo.

Réduction de l’indice Ki-67.

Parmi les 137 sujets enrôlés, 101 ont subi une bronchoscopie à l’enrôlement, puis après six mois de traitement, ce qui a permis de mesurer les changements de l’indice de prolifération Ki-67 dans les bronches, le premier point final de l’analyse. Résultat, le traitement par célécoxib réduit l’indice Ki-67 d’environ 34 % en moyenne, tandis que le placebo l’augmente de 3,8 %.

Chez les participants qui sont passés dans l’autre bras thérapeutique au bout de six mois (tous ont reçu six mois de célécoxib après douze mois d’étude), la diminution de l’indice Ki-67 est corrélée à une réduction et/ou une disparition des nodules pulmonaires, potentiellement précurseurs du cancer, constatée sur le scanner hélicoïdal à faible dose.

Le célécoxib influence aussi favorablement plusieurs biomarqueurs. Il réduit le taux plasmatique de la protéine C réactive, celui de l’IL6 dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire (LAB) et augmente celui de la 15-PGDH (15-hydroxyprostaglandine déshydrogénase) dans le LAB.

L’étude montre en outre qu’un rapport COX-2/15-PGDH élevé dans le LAB prédit une réponse du Ki-67 au traitement par le célécoxib (rapport 3 fois plus élevé que chez les non-répondeurs), ce qui permettrait de sélectionner les patients susceptibles de bénéficier de cette chimioprévention. Un second prédicateur de réponse au traitement est un indice Ki-67 initial élevé. Ces résultats justifient donc de poursuivre l’évaluation de cette chimioprévention dans une étude plus vaste de phase III.

« À moins que le cancer du poumon ne soit pris en charge au stade le plus précoce, la survie à cinq ans n’est que de 15 % », souligne le Pr Lee, biostatisticien au MD Anderson Cancer Center au Texas et rédacteur en chef de « Cancer Prevention Research ». « La meilleure approche est d’intervenir au stade le plus précoce et d’essayer d’inverser le processus pouvant conduire au cancer. Ces études suggèrent que le célécoxib pourrait en être l’outil ».

Cancer Prevention Research, Mao et coll., 4 juillet 2011

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8994