Après un cancer du sein

Les bénéfices d’une activité physique structurée

Publié le 12/05/2011
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Crédit photo : S TOUBON

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IL EST ÉTABLI que les femmes ayant eu un cancer du sein sont à risque de rechute et de nouveau cancer du sein, tout comme de surcharge pondérale et de sarcopénie. Plusieurs études ont mis en évidence l’impact bénéfique de la pratique d’une activité physique après traitement pour cancer du sein. Au-delà de 8 à 9 MET-heure (1 MET-heure correspond à une heure assis sans bouger, 3 MET-heure à une heure de marche soutenue), elle s’accompagne en effet d’une réduction de 50 % du taux de rechute chez les patientes non métastatiques et d’une augmentation de 4 à 6 % de la survie à 10 ans, et ce quels que soient l’âge, le statut ménopausique, le recours ou non à une hormonothérapie, la consommation d’alcool ou de tabac. Ces résultats sont issus de quatre études de cohorte prospectives, au cours desquelles les femmes traitées pour un cancer du sein localisé et non évolutif ont répondu à un questionnaire dans les deux ans suivant le diagnostic.

L’étude WHI.

Ces bénéfices ont été confirmés très récemment par une nouvelle analyse de l’étude WHI (1), qui a porté sur l’impact de l’activité physique (et sa variation avant et après le diagnostic) après un cancer du sein sur les mortalités globale et spécifique. Les données portent sur une cohorte de 4 643 femmes ménopausées chez lesquelles un cancer du sein invasif a été diagnostiqué après l’inclusion dans l’étude. Le degré d’activité sportive et de loisir (et non pas d’activité quotidienne, comme le fait de descendre et monter les escaliers, de marcher pour aller au travail, ou d’effectuer des tâches ménagères…) a été évalué à l’inclusion (et donc avant le diagnostic de cancer du sein), puis après le diagnostic.

Au-delà de 9 MET-heure par semaine avant le diagnostic, ce qui équivaut à trois heures hebdomadaires de marche rapide, le risque relatif de décès toutes causes confondues est de 0,61 (IC 95 % : 0,44-0,87, p = 0,01) comparativement à l’absence d’activité physique. Et chez les femmes ayant une activité physique supérieure à 9 MET-heure par semaine après le diagnostic, les auteurs rapportent une réduction de la mortalité globale (OR = 0,54, IC 95 % : 0,38-0,79, p < 0,01) et de la mortalité spécifique (OR = 0,61, IC 95 % : 0,35-0,99, p = 0,049). Enfin, chez les patientes ayant accru ou maintenu leur activité physique après le diagnostic de cancer du sein, la mortalité globale était diminuée (OR 0,67, IC 95 % : 0,46-0,96) et ce y compris chez celles qui ne pratiquaient aucune activité physique avant le diagnostic.

Des mécanismes mieux connus.

« Il apparaît ainsi clairement que l’activité physique après un cancer du sein permet d’améliorer la survie spécifique et globale », souligne le Dr Bouillet. Par quels mécanismes ? En premier lieu, par une action sur les estrogènes. En post-ménopause, les taux d’estrogènes sont réduits par l’activité physique, qui représente « le meilleur anti-aromatase ». Ensuite en diminuant les sécrétions d’insuline et d’IGF-1, qui sont des facteurs de prolifération cellulaire, et en abaissant l’insulinorésistance. Les travaux ont mis en évidence un taux de rechute multiplié par quatre chez les patientes ayant un taux d’insuline dans le quartile le plus haut, comparativement au quartile le plus bas. Enfin, en modifiant les sécrétions par le tissu graisseux des adipokines, la leptine et l’adiponectine. En effet, la leptine est un facteur mitogène pour les cellules tumorales mammaires et l’adiponectine est pro-apoptotique.

Les études ont pu montrer, chez des femmes en rémission complète d’un cancer du sein localisé, une corrélation entre l’insulinorésistance et les adipokines. Et un score de HOMA (homeostasis model assessment) élevé est associé à une augmentation de la mortalité globale et spécifique. L’activité physique accroît ainsi la sécrétion d’adiponectine, réduit celle de leptine et agit sur l’insulinorésistance.

Au-delà de ces différents bénéfices, l’activité physique apporte des effets positifs « collatéraux », tels que la réduction de l’ostéopénie, de la sarcopénie, de la pression artérielle, du diabète et de la fatigue. Pour mémoire, elle est le seul traitement validé de la fatigue dans ce contexte. « Sur la base de toutes ces données, la pratique d’une activité physique régulière, sauf contre-indication, fait partie du standard thérapeutique après un cancer du sein. Ne pas la proposer peut ainsi constituer une perte de chance pour la patiente », estime le Dr Bouillet.

Il ne s’agit toutefois pas de dire femmes de « faire du sport ». L’activité physique en cancérologie entre dans le cadre des soins de support, et doit être pratiquée de façon structurée et contrôlée avec des professionnels spécifiquement formés aux problématiques, médicales, psychologiques et physiques, du patient cancéreux. En France, un seul DU spécialisé sport et cancer est proposé à Paris XIII.

* D’après un entretien avec le Dr Thierry Bouillet, service d’oncologie médicale, hôpital Avicenne, Bobigny.

(1) Irwin M et coll. Physical Activity and Survival in Postmenopausal Women with Breast Cancer: Results from the Women’s Health Initiative. Cancer Prev Res (Phila). 2011 Apr;4(4):522-9.

 Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Bilan spécialistes