Une fédération nationale

Les spécialistes d’organes se regroupent

Publié le 24/03/2011
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Crédit photo : S Toubon

PAR LE Pr THIERRY CHINET*

L’AMÉLIORATION DES pratiques médicales en matière de cancérologie est un objectif majeur, crucial même au regard de l’épidémiologie des cancers. C’est un objectif partagé par tous les médecins qui s’investissent dans ce domaine et qui a justifié, entre autres, la création de l’INCa et l’élaboration des plans cancers. Des progrès significatifs ont été enregistrés, mais il faut aller plus loin pour répondre à l’exigence légitime de nos concitoyens et des pouvoirs publics, et pour s’adapter aux progrès considérables dont bénéficie ce domaine depuis quelques années. Ainsi, les médecins impliqués dans la prise en charge des cancers ont-ils décidé de s’organiser pour devenir des interlocuteurs de l’INCa et des autorités de santé afin de participer autant qu’il est possible à la réflexion et aux décisions, notamment pour ce qui concerne la formation des futurs médecins et l’organisation de la pratique cancérologique.

Des oncologues médicaux, associés notamment à des radiothérapeutes et à des hématologues, ont décidé de créer un Conseil National de Cancérologie (CNC). De manière très étrange, les initiateurs de cette opération ont choisi délibérément d’exclure les spécialistes d’organe, alors même que les gastro-entérologues, les dermatologues et les pneumologues, pour ne citer qu’eux, prennent en charge beaucoup plus de patients atteints de cancers digestifs, cutanés et thoraciques que les oncologues médicaux. Ce choix suscite de nombreuses interrogations. Certains seront tentés de n’y voir qu’une politique peu glorieuse de défense d’intérêts particuliers. En réponse, certains membres du CNC mettent en avant la qualité indispensable de la prise en charge des malades atteints de cancer et insistent sur la nécessité d’un exercice exclusif ou quasi exclusif de la cancérologie, et ce, alors même que des chirurgiens, des hématologues ou des anatomo-pathologistes font partie de leurs membres… Malgré plusieurs interventions des représentants des spécialistes d’organe auprès du CNC, ce dernier refuse obstinément d’admettre les spécialistes d’organe comme membres à part entière (tout au plus leurs représentants pourraient-ils – par faveur ? – assister aux débats en tant qu’observateurs !). Cette attitude est, à notre sens, en complète contradiction avec les objectifs d’amélioration des soins, avec la nécessaire complémentarité entre les spécialités concernées et apparaît préjudiciable à la cancérologie en général. Les malades atteints de cancer digestif, cutané ou thoracique sont dans les faits pris en charge le plus souvent par les spécialistes d’organe. La démographie médicale, inquiétante pour les années à venir, nécessite un maillage efficace du territoire par des médecins compétents en nombre suffisant dans l’intérêt même des malades. Par ailleurs, il n’existe pas la moindre preuve d’une meilleure qualité de prise en charge des malades par les oncologues médicaux en comparaison avec les spécialistes d’organe. Certains travaux suggèrent même le contraire. De surcroît, selon les termes des plans cancers, les oncologues médicaux et les radiothérapeutes sont impliqués dans la prise en charge de ces malades à travers les réunions de concertation pluridisciplinaire. Enfin, la formation nationale et même européenne des spécialistes d’organes concernés (par exemple la formation européenne HERMES pour les pneumologues) fait une place considérable à la formation théorique et pratique en cancérologie d’organe, formation d’ailleurs reconnue par la plupart des oncologues médicaux et même suivie par certains d’entre eux.

Les objectifs.

Dans ces conditions, les spécialistes d’organe, impliqués dans la prise en charge des malades atteints de cancer, ont décidé de se regrouper et de créer une fédération nationale des spécialistes d’organe en oncologie (FNS2O). Cette fédération a pour objectifs :

1) de défendre et de promouvoir une oncologie d’organe de qualité ;

2) d’assurer la coordination et l’information des spécialistes d’organes membres de la fédération ;

3) de constituer une instance de concertation et d’harmonisation sur l’enseignement et la formation des spécialistes d’organes exerçant en cancérologie ;

4) d’être un interlocuteur auprès des tutelles, de l’INCa, et des autres conseils, groupes ou fédérations concernés par la cancérologie ;

5) d’être une force de proposition sur les conditions d’exercice professionnel, sur la formation et sur l’organisation et le développement de la recherche en oncologie d’organe.

Il aurait paru beaucoup plus logique que tous les médecins impliqués dans la prise en charge des malades atteints de cancer se réunissent au sein d’une même fédération, mais cette option a été récusée par les membres du CNC. Cette situation est profondément regrettable. Un des premiers objectifs de la FNS2O sera bien entendu de dialoguer avec les oncologues médicaux afin de trouver, au-delà de toute position dogmatique ou corporatiste, un terrain d’entente qui permettra une prise en charge complémentaire et optimale des malades atteints de cancer. Souhaitons qu’avec le temps, raison et pragmatisme prévaudront.

* Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt.


Source : Bilan spécialistes