Cancer, embolie, pneumonie

L’utilisation raisonnée des marqueurs en pneumologie

Publié le 13/09/2011
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Cancer bronchopulmonaire

Un marqueur tumoral est un marqueur protéique plus ou moins complexe synthétisé par les cellules cancéreuses. Il est présent soit dans la tumeur, soit sécrété au niveau sanguin. Il peut être utilisé avec des objectifs de dépistage, de diagnostic, de pronostic, de détection de maladies résiduelles, de surveillance thérapeutique. Un bon marqueur tumoral doit être spécifique de la tumeur recherchée, ne doit pas être retrouvé chez le sujet sain ou en cas de présence de tumeurs bénignes. Il doit être facilement détectable. Son taux doit augmenter avec l’évolution de la tumeur et diminuer en cas d’efficacité du traitement. L’idéal est qu’il augmente en précédant les symptômes en cas de rechute. Ces caractéristiques sont loin d’être remplis pour les cancers bronchopulmonaires.

L’antigène carcino-embryonnaire (ACE) présent dans l’intestin fœtal et embryonnaire a une faible spécificité. Il est augmenté dans de nombreux cancers mais seulement dans 20 % des cancers bronchopulmonaires. Il est aussi augmenté en cas de lésions inflammatoires aiguës, chroniques, d’Infections pulmonaires, de pleurésie et chez les fumeurs.

Les antigènes tumoraux sont des protéines présentes à la surface des cellules cancéreuses, spécifiques de certains cancers, reconnus par des anticorps monoclonaux. Le CA-125 est retrouvé à la surface des cellules saines et cancéreuses d’origines mésothéliales : pleurales, péricardiques, endométriales, péritonéales… Son rôle physiologique est inconnu. Le CA-19-9 (Gastro-Intestinal Carbohydrate Antigen) est utile pour les tumeurs du tractus gastro-intestinal. Le CA 15-3 est un antigène associé aux tumeurs épithéliales sans spécificité d’organe. Le PSA est un antigène spécifique de la prostate. Aucun de ces marqueurs n’est utile en pneumologie.

Les enzymes sériques sont des protéines capables d’activer ou de catalyser une réaction chimique définie. La lacticodéshydrogénase (LDH) est augmentée dans 20 à 40 % des cancers bronchopulmonaires. Elle s’élève en cas de mauvais pronostic et de rechute sous traitement mais sa faible spécifié ne permet pas de l’utiliser en pratique clinique. La neuron-specific-enolase (NSE) est présente dans 90 % des cancers du poumon à petites cellules et paraît corrélé avec le volume tumoral mais ne peut être utilisé comme outil de surveillance

En conclusion, il n’est pas recommandé, quelle que soit la situation, de prescrire des marqueurs tumoraux en cas de suspicion de néoplasie pulmonaire.

Diagnostic de maladie thrombo-embolique

Les D-dimères sont des produits de la dégradation de la fibrine. Ils ont une très bonne valeur prédictive négative, de l’ordre de 98- 99 % lorsqu’ils sont normaux, avec un dosage utilisant une méthode ELISA. Mais les D-dimères ne doivent pas être prescrits en cas d’infections, de maladies inflammatoires, de cancer, de grossesse, chez les patients hospitalisés et les sujets âgés. Ils ont surtout un intérêt en cas de probabilité a priori faible ou moyenne d’embolie pulmonaire, car négatifs ils permettent d’éliminer de manière définitive le diagnostic. En cas de probabilité a priori forte, un examen morphologique (scintigraphie ventilation – perfusion, écho Doppler des membres inférieurs ou angioscanner) est nécessaire et les D-dimères ne doivent pas être prescrits. Un marqueur cardiaque comme la troponine, indicateur sensible de la souffrance myocardique, est retrouvé positive chez 10 à 50 % des malades ayant une embolie pulmonaire. Il a une très forte valeur prédictive négative (97 à 100 %) de complications ou de décès en phase aiguë. L’élévation peut se faire après 6 à 12 heures ; il faut donc la répéter à la 24e heure pour avoir une bonne évaluation du risque. Le peptide natriurétique B (PNB) est un marqueur de la distension des cellules myocardiques. C’est un indicateur sensible de l’activation neurohormonale liée au trouble fonctionnel ventriculaire. Il a une mauvaise capacité à prédire les complications et la mortalité en phase aiguë et ne doit donc pas être prescrit.

Infection des voies respiratoires basses d’origine bactérienne

La procalcitonine (PCT) est un marqueur biologique d’infection bactérienne ayant une bonne capacité à différencier un processus infectieux bactérien d’un processus inflammatoire, capacité que n’ont ni la mesure de la vitesse de sédimentation, ni le dosage de la CRP. Les faux positifs sont liés à des foyers infectieux latents non diagnostiqués ou à des affections non bactériennes (syndrome d’activation macrophagique, maladie de Kawasaki, coup de chaleur, premiers jours après un polytraumatisé,). Les faux négatifs sont le plus souvent liés à des infections bactériennes localisées (abcès des parties molles, médiastinite, appendicite aiguë non compliquée…). Dans certains cas, le test est négatif car réalisé trop précocement dans l’histoire de l’infection bactérienne. Pour les pneumopathies bactériennes, la PCT manque de sensibilité mais sa spécificité est bonne. Elle est plus augmentée dans les infections à pyogènes. Son augmentation est aussi prédictive d’une hémoculture positive. Elle permettrait de réduire le nombre de cures d’antibiothérapie prescrites et leur durée mais au prix de protocoles rigoureux de prélèvements peu compatibles avec la pratique.

En conclusion

En pneumologie, la prescription des marqueurs biologiques est très limitée. Le plus pertinent est le dosage des DDM qui grâce à une excellente valeur prédictive négative permet, lorsqu’il est prescrit selon les recommandations, d’éliminer le diagnostic d’embolie pulmonaire.

 Pr CHRISTOS CHOUAÏD Service de pneumologie, hôpital Saint Antoine, Paris

Source : Le Quotidien du Médecin: 9002