L’AFU réagit à l’avis de la HAS

« Pour les PSA, le dépistage individuel reste de mise »

Publié le 11/04/2012
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Crédit photo : S TOUBON

« LA HAUTE AUTORITÉ de santé a donné sa réponse à la Direction générale de la santé (DGS), remarque le Dr Patrick Coloby, urologue au CH de Pontoise et président de l’AFU. Selon elle, il n’y a pas d’intérêt à réaliser un dépistage systématique à l’échelon populationnel (....) C’est tout ce à quoi elle conclut. Le dépistage individuel reste de mise. » Du côté de l’AFU, les choses seraient claires. Si la HAS ne recommande pas le dépistage systématique, que ce soit dans la population générale comme chez les sujets à haut risque, l’intérêt du dépistage à l’aide des PSA n’est pas remis en cause. « Nous ne sommes pas en contradiction avec la HAS, insiste le Dr Coloby. Mais même si la HAS mentionne en effet la possibilité d’un dépistage individuel dans son avis, force est de constater qu’elle reste pour le moins évasive : elle l’envisage au détour d’un paragraphe en insistant sur « l’importance de l’information à apporter aux hommes envisageant la réalisation d’un dépistage individuel » sans s’avancer davantage sur ce terrain.

La HAS reconnait pourtant l’existence de facteurs de risque, à savoir les antécédents chez des collatéraux, l’origine africaine et antillaise, l’exposition à la chlordécone. « La HAS a statué ainsi tout simplement au vu du manque de données dans les populations à risque, raille le Laurent Salomon, urologue au CHU Mondor et membre de la commission Cancer de l’AFU. La HAS indique en effet qu’« il n’a pas été retrouvé d’éléments scientifiques permettant de justifier d’un dépistage (...) dans les populations (...) à plus haut risque » et qu’avant toute chose « des difficultés sont identifiées pour définir et repérer les populations masculines à plus haut risque ». Pour l’AFU, il revient alors au médecin de rechercher les facteurs de risque, d’évaluer le niveau de risque et de prescrire un dosage des PSA à titre individuel.

Deux études divergentes.

Le problème est tout autre dans la population générale. Il existe bien des données de grands essais cliniques. « Les deux plus grosses études sur le dépistage systématique ont des résultats divergents, explique le Pr Salomon. L’étude américaine, la PLCO, ne conclut pas à une diminution de la mortalité par cancer, mais il existe un biais important, puisque près de 50 % des sujets américains se font dépister en ville de manière " sauvage ". Mais l’étude européenne, l’ERSPC, confirme l’intérêt du dépistage. La dernière publication de mars dernier montre une amélioration d’au moins 20 % de la mortalité spécifique et, plus important encore, d’environ 40 % de la mortalité par métastases. Or on sait que la survenue de métastases marque un tournant dans la maladie ». Pas de bénéfice en revanche sur la mortalité toute cause. Les choses ne sont décidément pas simples. La HAS avait jugé en juin 2010 « qu’aucun élément scientifique nouveau ne justifiait de remettre en cause la position de la France », qui s’était prononcée contre le dépistage systématique en 1999.

De meilleurs marqueurs d’évolutivité.

Pourquoi faire à titre individuel ce qui n’est pas recommandé à l’échelon d’une population, y compris à risque ? « Il existe bien des bénéfices au dépistage précoce, nuance le Pr Laurent Salomon. Si le dépistage organisé sur l’ensemble d’une population donnée fait gagner trois mois de vie supplémentaires, ce sont dix ans d’espérance de vie gagnés à l’échelon individuel. On ne peut pas refuser le dépistage à un patient inquiet et surtout s’il présente des facteurs de risque. ». D’ailleurs, la HAS elle-même insiste dans ce dernier avis sur « l’importance de l’information à apporter aux hommes envisageant la réalisation d’un dépistage individuel (...) ». Dans ce contexte compliqué, la question de l’information due au patient reste plus que jamais d’actualité. L’Anaes avait publié en 2004 un guide d’information à l’attention des médecins et la HAS annonce qu’elle travaille à une mise à jour en coordination avec l’Inca.

La HAS et l’AFU s’accordent totalement au moins sur un point. Alors que les PSA ne sont pas spécifiques du cancer, tout le nœud du débat réside dans le risque de surdiagnostics et de surtraitements. L’enjeu à l’avenir est de disposer de nouveaux marqueurs permettant d’identifier les cancers à évolution lente et ceux d’évolution plus rapide. « Les PSA peuvent être augmentés pour tout et n’importe quoi, explique le Pr Salomon. Un taux de PSA bas élimine le cancer et si à l’âge de 60 ans, le taux est ‹ 1, on peut arrêter le dépistage. Le risque de cancer est quasiment nul. En revanche, si le taux de PSA est› 1,5, le sujet est plus à risque. » Le Pr Coloby renchérit en soulignant l’intérêt de disposer d’un PSA de référence. « L’idéal est d’avoir des PSA à différentes étapes, explique-t-il. S’il vaut mieux éviter d’en prélever trop souvent, un PSA réalisé tôt est plus prédictif. » À bon entendeur, salut.

Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 9113