Aspirine en prévention primaire : ne pas déprescrire ?

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Publié le 15/04/2024
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Certes, l’aspirine n’a globalement plus à être prescrite en prévention primaire du risque cardiovasculaire, mais que faire des patients déjà sous traitement ? Une méta-analyse décrite dans une Lettre de Recherche de Circulation suggère que le médicament n’a peut-être pas à se voir déprescrit chez tous les individus concernés.

Crédit photo : BURGER / PHANIE

Depuis quelques années, les sociétés savantes de cardiologie – notamment américaines – ne recommandent plus de recourir à l’aspirine en routine en prévention primaire de l’athérosclérose chez la plupart des adultes. En particulier, l’US Preventive Services Task Force (USPSTF) préconise de ne pas introduire d’aspirine en prévention primaire chez les plus de 60 ans, et de considérer la prescription chez les personnes de 40 à 59 ans dont le risque de maladies cardiovasculaires est de plus de 10 % à 10 ans seulement au cas par cas.

Le rapport bénéfices/risques de l’aspirine défavorable en prévention primaire

Et pour cause : par suite des essais Aspree, Ascend et Arrive, le rapport bénéfices/risques de la molécule n’est plus jugé favorable en prévention primaire. Cependant, ces essais, qui avaient recruté très majoritairement des patients naïfs d’aspirine, ont surtout évalué l’initiation du traitement. Aussi, qu’en est-il de l’intérêt de l’aspirine — et de la pertinence son arrêt — chez des patients déjà sous traitement ?

On peut redouter que la suspension du traitement se solde par une augmentation du risque cardiovasculaire, des études observationnelles suggérant un surrisque de maladies cardiovasculaires chez les patients ayant arrêté le traitement.

Dans ce contexte, une métaanalyse a été conduite à partir des données des 15 % de participants des essais Aspree (conduit auprès de personnes de plus de 70 ans) et Ascend (conduit auprès de personnes atteintes de diabète de type 2) qui étaient déjà sous aspirine lors de leur recrutement (1). En tout, plus de 7 200 personnes étaient concernées.

Surrisque d’évènement cardiovasculaire à l’arrêt du traitement

Au total, les auteurs retrouvent bien une augmentation du risque cardiovasculaire à l’arrêt de l’aspirine. En effet, par rapport aux participants ayant poursuivi le traitement, ceux l’ayant suspendu manifestaient un surrisque de plus de 20 % d’évènements cardiovasculaires — mortels ou non.

Et ce, pour un risque hémorragique équivalent : le risque hémorragique demeurait le même parmi les personnes continuant le traitement ou celles l’ayant suspendu.

Face à ces résultats, le rapport bénéfice risque de la molécule pourrait être réévalué chez les personnes à haut risque de maladie cardiovasculaire — y compris âgées — déjà sous aspirine en prévention primaire, qui pourraient continuer leur traitement. À moins, comme le précisent les auteurs, « que des facteurs de risque significatifs d’hémorragie sous aspirine n’émergent, auquel cas une discussion sur le rapport bénéfice/risque du maintien de l’aspirine devrait être conduite ».

(1) Ruth Campbell, Mark R. Nelson, John J. McNeill, John W. McEvoy. Outcomes After Aspirin Discontinuation Among Baseline Users in Contemporary Primary Prevention Aspirin Trials : A Meta-Analysis. Circulation. 2024 Feb 27;149(9):722-724


Source : lequotidiendumedecin.fr