La réadaptation cardiaque déclinée dans les micro-territoires corses

Publié le 02/12/2022
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Pour éviter la non-adhésion aux prescriptions de réadaptation cardiaque chez les personnes vivant à plus d’une heure de trajet du SSR cardio-respiratoire de Bastia, un programme article 51 a été mis en place, en association avec des MSP territoriales, afin de proposer des séances supervisées au plus proche du domicile. Un succès analysé par le Dr Antoine Faure coordinateur du projet.

Crédit photo : GARO/PHANIE

« Comment favoriser la réadaptation cardiaque des patients à haut risque cardio-vasculaire et ceux présentant une pathologie cardio-vasculaire (AOMI, pathologie coronarienne/insuffisant cardiaque) limités dans leurs possibilités de réadaptation vivant à plus d’une heure d’un SSR cardio-vasculaire ? » C'est par cette question que le Dr Antoine Faure (responsable du SSR cardio-vasculaire et respiratoire à l’hôpital Falconaja, Bastia) présente au « Quotidien du Médecin » l’expérimentation article 51 EVACorse.

Dès la mise en place du nouveau service de réadaptation en 2017 à Bastia, la question « perturbante » des abandons de programme a rapidement été posée en particulier pour des patients vivant dans de micro-territoires rattachés à la préfecture de Haute Corse tels que la Balagne ou le sud de la plaine orientale. Il faut dire que le temps de trajet aller/retour pour se rendre à la séance de rééducation est parfois supérieur au temps passé en soins. Cet écueil territorial s’ajoute aux limites générales de l’adhésion aux programmes de réadaptation puisqu’en France seul un tiers des personnes éligibles bénéficient d’un tel programme en raison de l’absence d’offre de soins de proximité, d’un taux de prescription insuffisant, du refus de certains patients, notamment en raison de leur âge avancé ou de l’existence de comorbidités. 

C’est pour répondre à la fois à la demande de patients et de professionnels de santé de zones géographiquement éloignées qu’une demande d'expérimentation a été validée en 2021 avec une prise charge hybride entre le service de réadaptation cardiaque du centre hospitalier de Bastia et des maisons de santé pluriprofessionnelles pour des patients habitant à plus d’une heure de l’établissement de référence. Pour le Dr François Agostini, président de la FCCIS (Fédération corse pour la coordination et l’Innovation en Santé), « ce projet, emblématique de ce qu’il faut mettre en place dans les territoires, est né de l’écoute des professionnels qui connaissent les contraintes sociales, médicales, locales du non-accès au soin ». 

Comme l’explique au «Quotidien» Igor Giusti directeur de la FCCIS (les patients inclus dans EVA Corse sont issus de deux filières. D'une part, la détection par les médecins des MSP référentes (les plus matures des territoires dans un premier temps) de pathologies cardio-vasculaires nécessitant une réadaptation pour éviter les risques aigus (AOMI, par exemple) grâce à la mise à disposition d’outils de détection et de prescription. D’autre part, le programme est adapté au recours à une prise en charge multidisciplinaire dans les suites d’une affection cardio-vasculaire aiguë (infarctus du myocarde, pontage, etc.).

Émulation

En pratique, les patients éligibles vont dans un premier temps suivre six séances supervisées par l’équipe de réadaptation cardiaque du centre hospitalier de Bastia. « Pour faciliter l’adhésion au programme, nous proposons aux personnes habitant à plus d’une heure de l’hôpital de loger dans un "hôtel thérapeutique" pour une courte durée. Les séances sont réalisées sous forme d’activité de groupe, ce qui permet aux patients de socialiser entre eux, ce qui crée une émulation », continue le Dr Faure, qui explique que « cette émulation sociale est ensuite entretenue lors des 14 séances supervisées par l’équipe de réadaptation mais réalisées en maison de santé ». L’équipe experte accompagne l’équipe de la maison de santé pour assurer des soins avec la même qualité et sécurité patients ? Ceux rencontrés par « Le Quotidien » mettent en avant la proximité qui permet de ne pas être éloigné des proches et de vaquer à ses occupations en dehors des séances. Ils apprécient aussi d’effecteur la rééducation dans des lieux où ils ont déjà leurs habitudes et connaissent les soignants (médecin traitant, infirmière, kinésithérapeute). 

Pour le Dr Faure, « cette première phase d’expérimentation a été un franc succès et nous nous engageons désormais dans une deuxième phase avec le recours à d’autres MSP qui permettront de mailler le territoire de la Haute Corse et de certaines microrégions du Sud de la Corse ».

Dr Isabelle Catala

Source : Le Quotidien du médecin