Objectif tensionnel unique pour tous les patients, large place pour les bloqueurs du SRA, élargissement des indications de l’automesure, etc. Les nouvelles recommandations présentées lors des 32es Journées de l'HTA tranchent avec les anciennes guidelines de la HAS. Et proposent aux praticiens un plan de bataille de 6 mois pour contrôler la pression artérielle de leurs patients hypertendus.
Changer la donne… Parce qu’en dépit de nombreuses guidelines « l’HTA reste insuffisamment dépistée, traitée et contrôlée en France », la société française d’HTA (SFHTA) vient d’émettre
ses propres recommandations sur le sujet. Présenté lors des 32es Journées de l'HTA (Paris, 20-21 décembre 2012) par le Pr Jacques Blacher (Hôtel Dieu, Paris), ce texte propose aux praticiens une stratégie en 3 temps pour équilibrer leurs patients hypertendus et améliorer leur prise en charge.
Une consultation d’annonce dédiée
Le premier volet correspond à la prise en charge initiale du patient avant l’instauration du traitement. Les auteurs rappellent que si « en consultation une PA ≥ 140/90 fait suspecter une HTA », la confirmation du diagnostic, par mesure de la PA en dehors du cabinet médical (automesure ou Mapa) est fortement préconisée avant tout traitement médicamenteux. « Sauf HTA sévère (PA ≥ 180/110 mmHg), on a presque toujours le temps d’attendre », plaide le Pr Blacher.
En revanche, la mise en œuvre précoce de mesures hygiéno-diététiques est encouragée « dès que l’HTA est suspectée ». Un bilan initial « classique » (examens clinique et biologiques, ECG) est également préconisé à ce stade. à noter, le dosage de la microalbuminurie n’est pas systématique mais réservé aux diabétiques car en dehors de ces patients « il n'existe pas de résultat dans la littérature montrant que ce dépistage présente un intérêt », explique le Pr Blacher.
Ensuite, et c’est inédit, « si l’HTA est confirmée, une consultation d’information et d’annonce doit être réalisée. Il s’agit d’un moment dédié, insiste le Pr Blacher, qui sert à annoncer le diagnostic, informer sur l'HTA et son risque, sur le rapport risque/bénéfice du traitement, et permet de fixer avec le patient les objectifs thérapeutiques ».
Même objectif tensionnel pour tous
Après cette consultation, débute le « plan de soin initial ». Le praticien a six mois pour instaurer un traitement et le modifier si besoin pour arriver à l’objectif tensionnel.
Par rapport aux précédentes recos françaises, les auteurs fixent un objectif unique pour tous les patients avec une PA systolique cible comprise entre 130 et 139 mmHg et une PA diastolique < 90 mmHg. Exit donc les objectifs plus exigeants retenus jusqu’alors pour les diabétiques et les insuffisants rénaux. Même si « des objectifs plus ambitieux peuvent être proposés chez certains patients, après avis spécialisé », nuancent les auteurs.
Pour le traitement médicamenteux, la monothérapie reste la règle en 1re intention. Si les cinq classes d’anti-hypertenseurs majeurs (diurétiques thiazidiques, IEC, inhibiteurs calciques, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARAII), bêta-bloquants) peuvent être utilisées, les auteurs font la part belle aux bloqueurs du système rénine angiotensine (ARA-II ou IEC) en se basant sur la notion de persistance. Encore peu répandue, cette notion désigne, pour un traitement donné, la probabilité qu'il soit maintenu au-delà d’un an. Elle revêt donc à la fois une dimension d'efficacité et de tolérance. Or « la persistance semble plus élevée lorsqu'on initie le traitement avec un ARA-II ou un IEC ».
Les bêta-bloquants restent dans la course mais avec un bémol de taille puisqu’ils « apparaissent moins efficaces que les autres classes pour la prévention des AVC ». Pour autant, « nous n’avons pas voulu les écarter complètement pour ne pas s’en priver dans certaines situations où ils ont une indication préférentielle comme certaines HTA du sujet jeune », précise le Pr Xavier Girerd, président de la SFHTA, tout en appelant à « individualiser le traitement ».
Réévaluer chaque mois
Une fois le traitement instauré, les visites au cabinet médical doivent être mensuelles, jusqu’à l’obtention de l’objectif tensionnel, confirmée par une mesure de la PA en dehors du cabinet médical. Jusque-là réservée au diagnostic, l’automesure fait donc son entrée dans le suivi des patients.
Au bout d’un mois, en cas d'échec d'une monothérapie, le passage à la bithérapie est préconisé « sans attendre » et sans passer par la case de la monothérapie séquentielle, précise le Pr Blacher. L’utilisation d’associations fixes (un seul comprimé) doit être préférée, plusieurs combinaisons pouvant être envisagées. En sachant toutefois que «?l’association de 2 bloqueurs du SRA n’est pas recommandée et que l’association bêta-bloquant-diurétique augmente le risque de diabète ». En cas d’objectif tensionnel non atteint, plusieurs combinaisons peuvent être essayées avant le passage à une trithérapie antihypertensive associant bloqueurs du SRA, diurétiques thiazidique et antagoniste calcique
Avis spécialisé
Si au bout de 6 mois, le patient reste hypertendu, la SFHTA encourage fortement les praticiens à solliciter un avis spécialisé. « Dans notre expérience, lorsque l’on applique les règles ci-dessus, 80 à 85 % des patients peuvent être équilibrés », rapporte le Pr Girerd.
Pour les patients bien contrôlés les experts proposent un plan de soin à long terme avec une visite tous les 3 à 6 mois où l’accent sera mis entre autre sur l’observance thérapeutique. Entre les consultations la SFHTA encourage aussi la pratique de l’automesure.
Bientôt un label HAS ?
Au total, ces recos tranchent donc sur le fond comme sur la forme avec celles émises en 2005 par la HAS pour se rapprocher d’avantage des récentes guidelines européennes. Pour autant, « nous avons l’ambition qu’elles puissent être validées par la HAS », indique le Pr Blacher tout en reconnaissant que la question des conflits d’intérêt (à l’origine du retrait des précédentes recommandations) risque, là encore, de poser problème.