L'article publié par « le Quotidien du Médecin » dans son édition datée du 2 février considère que l’utilisation de l’échographie constitue une révolution dans le traitement chirurgical du syndrome du canal carpien. Rappelons que le principe immuable de ce traitement est de sectionner le ligament annulaire qui comprime le nerf médian responsable des symptômes.
En réalité, la véritable révolution a eu lieu il y plus de 30 ans lorsque les chirurgiens de la main ont utilisé la technique endoscopique qui a permis d’éviter les classiques grandes incisions dans la paume de la main et au poignet. Cette technique permet de sectionner le ligament annulaire sous contrôle visuel par l’intermédiaire d’une mini-caméra, ce qui sécurise le geste. Grâce à un ou deux mini-abords de 5 mm voire moins, elle a permis d’améliorer très nettement le confort et la durée des suites postopératoires pour les patients tout en diminuant le taux de complications. La chirurgie mini-invasive du canal carpien était née et dès lors son principe n’a plus été remis en cause.
Depuis 30 ans cette chirurgie mini-invasive a cependant continué d’évoluer grâce à la miniaturisation du matériel endoscopique et l’amélioration de la qualité des caméras, ainsi que la diversification des outils de section du ligament annulaire et leur mode d’utilisation. Certains chirurgiens se sont progressivement affranchis de l’usage de la caméra et effectuent leur geste sous le contrôle direct de la vue par une mini-incision proprement placée. Force est de constater que toutes ces méthodes mini-invasives ont globalement actuellement les mêmes résultats et rien ne permet objectivement et scientifiquement de les départager. Le choix de la méthode dépend finalement du chirurgien selon qu’il en maîtrise la technique pour sécuriser son geste. Car le fond du problème est bien là : sécuriser son geste pour éviter la survenue de complications gravissimes et irrémédiables au premier rang desquelles figure la section partielle ou complète du nerf médian.
L’échographie permet la visualisation par une image virtuelle en deux dimensions de certains éléments du canal carpien et notamment du nerf médian. Bien sûr, la résolution de cette image n’égale en rien celle de l’image réelle en trois dimensions que l’on obtient par une vision directe ou par l’intermédiaire d’une caméra. La vision indirecte du nerf par l’échographie peut-elle suffire à sécuriser un chirurgien pour effectuer son geste de section du ligament annulaire ? Probablement pas autant qu’en vision réelle. Cela reste donc à démontrer.
En quoi l’utilisation de l’échographie serait alors une révolution dans la chirurgie du canal carpien ? En aucun cas elle ne change le principe du traitement. Les outils de section du ligament annulaire sont les mêmes que ceux des autres techniques mini-invasives et ni le siège ni la taille des incisions ni même la durée de l’intervention ne sont différentes. En cela l’échographie n’apporte aucune simplification à la chirurgie du canal carpien. Quant aux résultats et notamment la durée de récupération post opératoire, rien ne permet de dire qu’ils sont différents des autres techniques, tout aussi peu invasives. Il faudrait pour cela effectuer des études prospectives et comparatives à très grande échelle afin d’en tirer des conclusions définitives.
Gare à la banalisation
Le rôle d’une société scientifique comme la nôtre est bien entendu d’en favoriser la mise en place. Notre rôle est également de favoriser l’enseignement de toutes les techniques nouvelles utiles au diagnostic et à la réalisation d’un geste thérapeutique en chirurgie de la main. L’échographie fait bien entendu partie de cet enseignement et depuis 5 ans un diplôme inter-universitaire, dont les responsables sont des chirurgiens de la main universitaires ou non, assure cet enseignement auprès des chirurgiens de la main. Des cours pratiques de chirurgie de la main dans lesquels l’échographie a toute sa place leur sont également accessibles. Un groupe d’étude scientifique spécialement dédié à l’échographie a même été créé. Notre rôle est aussi de mettre en garde le grand public contre toute forme de banalisation de la chirurgie du canal carpien. Quelle que soit la technique mini-invasive utilisée, il s’agit d’une chirurgie de haute technicité qui comporte des risques et des complications aux conséquences médicolégales désastreuses. Il serait donc grave que dans l’imaginaire des patients et de ceux qui ont en charge leur santé, cette chirurgie, avec ou sans l’aide de l’échographie, soit considérée comme aussi simple qu’une infiltration.
*Président et Secrétaire général de la Société française de chirurgie de la main (SFCM)
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