Avec le vieillissement de la population, les progrès de l’imagerie et de la chirurgie arthroscopique, associés à une demande croissante des patients, le nombre des réparations des ruptures de la coiffe des rotateurs augmente. Les bons résultats cliniques et la faible morbidité du traitement arthroscopique ont tendance à faire proposer des interventions à des patients peu symptomatiques, dans l’idée de prévenir un éventuel agrandissement de la rupture et/ou une dégradation musculaire.
Si le taux de reprise chirurgicale est faible, il reste que, dans environ 20 % des cas, la cicatrisation n’est pas obtenue. Ce qui ne correspond pas nécessairement à un échec clinique, même si le résultat est meilleur lorsque le tendon a cicatrisé.
Pas de parallélisme anatomofonctionnel
L’échec de la réparation d’une rupture de la coiffe des rotateurs sera apprécié différemment par le patient, le chirurgien et sur un plan socioprofessionnel.
La douleur persistante est la principale cause d’échec pour le patient. Elle nécessite un bilan étiologique, à la recherche d’une pathologie non traitée lors de la première intervention, en particulier une arthrose acromioclaviculaire, une lésion d’un autre tendon, une dégradation cartilagineuse glénohumérale, ou plus rarement une souffrance du nerf sus-scapulaire. Le taux de reprise pour ces différentes pathologies est faible, car c’est surtout l’échec de cicatrisation qui explique les douleurs persistantes.
La raideur est plus rarement une cause d’échec, depuis l’avènement de l’arthroscopie et de la mobilisation rapide. Il est préférable en première intention d’intervenir sur une épaule assouplie. Une raideur postopératoire doit faire rechercher une infection à Cutibacterium acnes et une capsulite rétractile.
Le manque de force est une plainte fréquente. Il est souvent lié à un défaut de cicatrisation, ou un mauvais état musculaire, déjà souvent identifié sur l’imagerie préopératoire (IRM ou arthroscanner), voire à un décentrage de la tête humérale. Il est très utile dans ce contexte d’avoir une mesure objective de la force au peson avant la réparation, permettant de savoir si la force a réellement diminué. Une réintervention pour manque de force est rarement indiquée, car de résultat aléatoire. Il s’agit néanmoins d’un élément important pour les patients exerçant un travail manuel.
L’impotence est souvent due à une incompétence de la coiffe des rotateurs, avec décentrage antérieur, le plus souvent après une rupture antérosupérieure. Elle nécessite la plupart du temps une reprise, avec une prothèse inversée.
Dans la série rétrospective de la Sofcot de 511 patients opérés en 2003 d’une rupture isolée du supraspinatus, à 10 ans de recul 7 % des patients avaient été réopérés : 17 réparations itératives, 7 arthroplasties, et 11 autres réinterventions.
De fréquents défauts de cicatrisation
Le taux des échecs de cicatrisation est très variable dans la littérature : de 10,3 à 88 %. Plusieurs facteurs ont été identifiés, avec en premier lieu la taille de la rupture, l’atrophie et l’infiltration graisseuse des muscles. L’âge et certaines comorbidités (tabagisme, diabète, hypercholestérolémie, alcoolisme, obésité, HTA) ont également un rôle délétère sur la cicatrisation. On peut y ajouter la durée d’évolution, l’amincissement de la coiffe et des prédispositions génétiques.
Enfin, la technique opératoire joue un rôle essentiel. Elle doit assurer une fixation solide, mais aucun type de point ou d’ancrage n’a pu montrer sa supériorité. Le chirurgien doit adapter sa technique aux conditions locales, notamment la forme et la direction de la rupture et la souplesse de ses berges, ainsi que doivent l’être l’immobilisation et les techniques de rééducation. Le traitement anti-inflammatoire pré- et postopératoire, pourtant très efficace quant aux douleurs postopératoires, pourrait aussi avoir une influence néfaste sur la cicatrisation tendineuse.
Une sélection des candidats à la reprise
Le bilan à réaliser devant un échec de réparation de la coiffe des rotateurs ne diffère pas beaucoup du bilan standard d’une rupture de la coiffe. L’interrogatoire doit s’attacher à préciser les conditions de réalisation de la première intervention : rechercher une insuffisance diagnostique, une faute technique, un traumatisme précoce ou secondaire, incluant une rééducation agressive. Un bilan d’imagerie comportant une IRM ou un arthroscanner est nécessaire avant toute reprise.
La plupart du temps, les ruptures itératives ne nécessitent pas de nouveau traitement chirurgical, compte tenu de leur bonne tolérance clinique et de la stabilité du résultat dans le temps. Les motivations pour une réintervention, la demande fonctionnelle, les attentes du patient, doivent être analysées. Celle-ci se limite surtout à l’amélioration des douleurs. Le patient idéal pour une reprise est un homme de moins de 70 ans, sans recherche de compensation, ayant une élévation supérieure à 90° et qui n’a pas été opéré plus d’une fois.
Les conditions locales sont également primordiales pour poser l’indication d’une réparation itérative : état musculaire, tendineux, cartilagineux, osseux et centrage de la tête humérale. Les éléments favorables sont une petite rupture itérative avec un bon état musculaire et tendineux et l’absence d’arthrose.
Si ces conditions ne sont pas réunies, une réparation par un matériau (greffe autologue ou homologue ou substitut), un transfert musculaire ou une prothèse inversée peuvent se discuter, permettant d’espérer une amélioration sur la douleur et plus modestement sur la fonction. Les résultats de ces diverses interventions sont cependant inférieurs à ceux obtenus lorsqu’elles sont réalisées en première intention. Excepté le cas d’un traumatisme postopératoire, il n’est pas illogique de proposer une intervention différente de la première, qui a échoué, si l’indication a été correctement posée initialement et si les conditions de réalisation technique sont réunies.
La prévention avant tout
Le traitement de l’échec est surtout préventif : une bonne indication opératoire, la discussion systématique du traitement des lésions associées — la ténodèse du biceps étant vue au cas par cas. L’arrêt du tabac doit être demandé ou fortement conseillé, et les autres facteurs métaboliques compensés.
Pour éviter l’échec de cicatrisation, il convient d’utiliser des critères de réparabilité : épaule souple, centrée, muscle non atrophié ni infiltré de graisse, pas de perte de substance tendineuse, jonction tendinomusculaire en dehors de l’interligne et rupture de taille intermédiaire. La suture doit être effectuée sans tension, avec des points non ischémiants et des fils indépendants pour prévenir l’agrandissement des trous des fils.
Le programme de réadaptation doit être modulé en fonction de la taille de la rupture et du degré de dégénérescence tendineuse.
D’après la conférence d’enseignement du Dr Pierre Desmoineaux, centre hospitalier de Versailles
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