Le squelette du pied tire son exceptionnelle qualité mécanique d’un assemblage soigneusement agencé de 26 pièces individualisées. L’arrière-pied, ou tarse, est en quelque sorte l’arbre de transmission, entre le squelette jambier vertical et la plante du pied, chargée de l’adaptation à l’horizontalité du sol. Il s’agit d’un segment sensible de redistribution des réglages architecturaux, statiques et dynamiques, de cette superbe adaptabilité mécanique de l’extrémité distale du membre inférieur.
Un défaut de segmentation non exceptionnel
La synostose du tarse, plus connue dans la littérature internationale sous l’appellation de coalition tarsienne, est une malformation congénitale dans laquelle des os de l’arrière-pied ne se sont pas séparés. En fonction du tissu d’interposition, la coalition est appelée synfibrose (tissu fibreux), synchondrose (tissu cartilagineux) ou synostose (tissu osseux).
Il s’agit d’un défaut de segmentation embryologique, réellement présent à la naissance, mais souvent aucun symptôme ne se manifeste durant la petite enfance. L’ossification du tissu d’interposition survient en général plus tard : progressivement la synfibrose évolue vers la synchondrose puis vers la synostose. C’est à ces derniers stades que les symptômes apparaissent.
La coalition rend l’articulation concernée raide, surtout au stade de synostose. Les symptômes sont essentiellement des douleurs liées à l’activité qui apparaissent durant la deuxième décennie, ou plus tard. Parfois, c’est une entorse récidivante de la cheville qui est le motif de la consultation. Cela s’explique par la compensation dans la cheville du manque de mobilité de l’arrière-pied avec sollicitation exagérée de la cheville en varus valgus. Il peut aussi y avoir une déformation associée de l’arrière-pied (valgus ou varus), et le pied peut être plat ou creux. Le plus souvent, il s’agit d’un pied plat valgus.
La prévalence de cette affection est sans doute sous-estimée, car beaucoup de coalitions ne donnent lieu à aucun symptôme. La véritable prévalence est supérieure à 10 %, et la bilatéralité est de 50 %. Les deux coalitions les plus fréquentes (plus de 90 % des cas) sont talocalcanéennes et calcanéonaviculaires.
Une démarche diagnostique guidée par la clinique
On doit suspecter cette malformation devant un tableau de douleurs chroniques, de raideur anormale, ou de déformation douloureuse de l’arrière-pied, ou encore en cas d’entorse récidivante de la cheville. Une radiographie sera réalisée en première intention, avec des clichés de pied en charge de face et de profil ainsi qu’un cliché oblique. Si elle ne montre rien, il faut compléter le bilan par un scanner ou une IRM. Une coalition calcanéonaviculaire peut être visible sur une radiographie standard (fig. 1) tandis qu’une coalition talocalcanéenne sera mieux visualisée par l’imagerie de coupe (fig. 2).
En cas de douleur, un traitement conservateur est tenté initialement, dans tous les cas pour une période de quatre à six mois au minimum. Cela inclut les semelles orthopédiques de soutien de la voûte plantaire, la botte plâtrée de marche, l’immobilisation en varus ou position neutre et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Une infiltration de corticoïde retard dans le sinus du tarse peut aussi être réalisée.
Des options chirurgicales individualisées
En cas d’échec, il faut proposer un traitement chirurgical. La résection à ciel ouvert de la coalition est le traitement de choix, quoiqu’une résection endoscopique puisse aussi être pratiquée. Nous avons développé une technique de résection assistée par des guides de coupe personnalisés, spécifiques au patient (fig. 3).
L’arthrodèse de l’arrière-pied (qui consiste à faire fusionner les os de l’arrière-pied) doit être réservée en dernier recours pour les échecs de la résection chirurgicale, les larges coalitions et les coalitions multiples, ou en présence de dégénérescence arthrosique déjà avancée.
Il a été démontré que la résection de la coalition peut donner des résultats favorables, même à long terme. Si la mobilité de l’arrière-pied ne redevient jamais complète et normale, le contact douloureux entre les deux os est supprimé lors des mouvements. Le patient est en général soulagé et peut reprendre un niveau d’activité physique quasi normal.
D’après la conférence d’enseignement du Pr Pierre-Louis Docquiera et des Drs Pierre Maldagueb, Maryse L. Bouchardc, Thibaut Leemrijseb a MD, PhD, service de chirurgie orthopédique et traumatologique, cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles b Foot and Ankle Institute, Bruxelles c MD, MSc, FRCSC, service de chirurgie orthopédique pédiatrique, Seattle Children’s Hospital, Seattle (États-Unis)
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