La prise en charge des traumatisés graves des membres a largement évolué depuis 50 ans. D’un traitement d’abord non opératoire, au « tout en un temps », puis au « contrôle des dommages », la stratégie est aujourd’hui avant tout individualisée.
Initialement appliqué en chirurgie viscérale, pour les lésions abdominales graves et hémorragiques, le concept de réparation temporaire des dommages a été étendu aux lésions des membres et du bassin. La finalité est de réduire les perturbations physiologiques induites par une chirurgie trop ambitieuse, longue et susceptible de compromettre la vie du blessé. Une stabilisation provisoire des fractures est réalisée de façon rapide et peu invasive, le plus souvent par fixateur externe (sauf aux extrémités). Cette ostéosynthèse temporaire (OT) ne doit pas compromettre la réparation définitive, qui se fera en fonction du segment osseux considéré, de la gravité des lésions et surtout de la survenue de complications infectieuses.
Un patient et un contexte
Heureusement, le traitement tout en un temps, « urgent, complet, définitif » est possible chez grand nombre de traumatisés, à condition que la stabilité vitale physiologique, l’état local du membre et les conditions de prise en charge s’y prêtent. Le traitement par « contrôle des dommages » n’est justifié que dans certains cas :
• Le polytraumatisé avec lésions vitales associées. C’est l’indication phare de la stratégie, avec des lésions associées (abdomen, thorax, crâne, membres). Quatre tableaux cliniques (stable, limite, instable, moribond) sont décrits. Les patients stables et limites peuvent bénéficier d’une ostéosynthèse définitive d’emblée alors que cette dernière n’est pas recommandée chez les patients instables ou moribonds.
• Les fractures du bassin hémorragiques. Fractures à haute énergie, elles se rencontrent chez les polytraumatisés, en association avec des lésions du tronc, du crâne ou des membres. En urgence, l’objectif de l’OT est de fermer et de stabiliser l’anneau pelvien pour contrôler l’hémorragie. Elle s’intègre fréquemment dans une prise en charge multidisciplinaire, en même temps qu’une embolisation des artères pelviennes lésées ou un packing sous-péritonéal.
• Les traumatismes des membres isolés mais graves (ischémie ou lésions sévères des parties molles). À savoir, le polyfracturé avec lésions étagées sans lésion vitale avec fracture du fémur, les fractures impossibles à aborder en urgence (souffrance cutanée) et les fractures ouvertes isolées avec lésions pluritissulaires graves. Ici, le traitement tout en un temps suppose en effet de disposer en urgence de toutes les compétences chirurgicales, et la vitalité des tissus ne pourra pas forcément être évaluée d’emblée. La stratégie de contrôle des dommages permet en outre de reporter au lendemain les décisions stratégiques (conserver ou amputer) et tactiques chirurgicales (réparation des parties molles ou d’une perte de substance osseuse), qui pourront alors être prises en équipe.
• La limitation en moyens techniques et/ou humains. Zones de combat, afflux massif de blessés, situations d’insécurité… Pour traiter le plus grand nombre, les gestes chirurgicaux doivent être courts, assurant l’essentiel. C’est aussi une solution d’attente, là où l’ensemble des compétences n’est pas disponible, pour permettre le transfert du blessé en milieu plus spécialisé.
Une conversion définitive planifiée
Lorsque le choix d’une OT a été fait à la phase initiale, la conversion en une ostéosynthèse définitive doit être rapidement planifiée. Chez le polytraumatisé, il faut attendre la régression des perturbations immunologiques et de l’œdème. Dans le cadre de traumatismes pluritissulaires, il faut attendre la stabilisation des lésions des parties molles. Lorsqu’il s’agit d’une OT de circonstance, la conversion peut être réalisée dès que les conditions sanitaires le permettent.
En fonction du type de lésion ou d’éventuelles complications (infectieuses…), l’OT peut être convertie en une fixation interne idéale ou en une exo-fixation stable visant à obtenir la consolidation. Cette dernière pourra être obtenue à partir de la fixation provisoire, si l’on a pris soin de choisir un système modulaire et évolutif.
D’après une conférence d’enseignement du Pr Sylvain Rigal
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