À grand renfort d'hygiénisme et surtout de DDT, la punaise des lits avait disparu des foyers français, et plus globalement des pays développés, au cours des années 1950. Depuis les années 1990, l'explosion du commerce international et le développement des résistances aux insecticides ont permis à l'affreux parasite de faire un retour en force dans nos draps.
Selon un épais rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), environ 11 % des foyers français ont été infestés par des punaises des lits entre 2017 et 2022. L'Anses, qui souligne les niveaux croissants de résistance aux insecticides, recommande de préférer les méthodes alternatives basées sur la température.
Des conséquences principalement psychologiques
Le Dr Pascal Delaunay, parasitologue et entomologiste médical au CHU de Nice, confirme que les risques infectieux et dermatologiques sont quasi nuls. « Nous avons fait un grand nombre de tests d'inoculation : la morsure de la punaise de lit ne transmet pas de pathogènes, explique-t-il. Le seul risque réside dans les bactéries qu'elle porterait éventuellement et qui peuvent être associées à des infections de grattage. Rien qui ne puisse être facilement pris en charge par un médecin généraliste. »
En revanche, il existe un risque psychologique important chez les personnes exposées, nuit après nuit, à des dizaines voire des centaines de piqûres. « Il y a les réactions cutanées, mais aussi le manque de sommeil et le sentiment de honte et de stigmatisation sociale », précise le Dr Delaunay.
Ce risque est d'autant plus important que le foyer touché ne dispose pas de haut revenu. Le coût moyen pour débarrasser un foyer infesté est estimé à 866 euros en moyenne. « Les foyers modestes peuvent vivre longtemps avec des punaises de lit chez eux, explique le Dr Delaunay. Ce qui augmente le risque de désociabilisation – ils ne reçoivent plus personne à leur domicile - et même d'effets psychologiques à long terme. Certaines personnes ont développé de véritables syndromes post-traumatiques. »
Les riches plus touchés, mais moins longtemps
Mais les infestations par des punaises de lit peuvent toucher toutes les classes sociales. « Ce sont même les personnes qui ont des revenus les plus importants, et qui donc voyagent le plus, qui sont les plus mobiles qui sont les plus exposées », précise le Dr Delaunay. Selon l'Anses, les foyers situés dans le tiers supérieur des revenus en France ont 1,9 fois plus de risque de connaître une infestation par les punaises des lits que ceux moins privilégiés.
Selon les calculs du groupe d'experts de l'agence, les désinfestations à elles seules ont coûté environ 230 millions d'euros chaque année en France entre 2017 et 2022. Si l'on ajoute les conséquences sanitaires des infestations, la somme dépasse les 300 millions par an.
Environ 72 000 consultations sur un an
Entre avril 2019 et mars 2020, le réseau Sentinelles de l'Inserm a réalisé l'étude Puli, qui estime à 72 000 les consultations relatives aux punaises de lit auprès d’un médecin généraliste, soit 109 pour 100 000 habitants.
« Le phénomène est homogène en France, précise le Dr Delaunay. Il y a eu un effet de loupe sur la région Paca parce que les trois principaux experts sont entre Nice et Marseille, mais il n'y a pas d'épicentre. L'Île-de-France aussi est submergée. » Le Dr Delaunay souligne l'une des faiblesses françaises face à l'invasion des punaises de lit : « Il faut un système de centralisé unique, dans lequel les médecins généralistes comme les désinsectiseurs puissent faire des signalements », réclame-t-il.
L'Anses recommande de travailler à un mécanisme de déclaration obligatoire et à l'accompagnement des particuliers par une prise en charge financière. Compte tenu de la forte transversalité des impacts et des moyens de lutte contre les punaises de lit, le gouvernement a demandé il y a un an un rapport interministériel impliquant les ministères de la santé, du tourisme et du logement.
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