Traitement antidiabétique

Des essais cliniques à la pratique

Publié le 23/01/2012
Article réservé aux abonnés
1327318097316444_IMG_75820_HR.jpg

1327318097316444_IMG_75820_HR.jpg
Crédit photo : S TOUBON

› LES RENDEZ-VOUS DU QUOTIDIEN

COMME LE RAPPELLE le Pr Maréchaud, les patients diabétiques présentent un risque cardio-vasculaire particulièrement élevé. En témoignent quelques chiffres éloquents : un risque d’accident coronarien multiplié par un facteur allant de 2 à 4, une surmortalité après un premier infarctus (44 % de décès chez les diabétiques de sexe masculin contre 33 % chez les non diabétiques, 37 et 20 % respectivement dans le sexe féminin), 25 à 30 % de diabétiques dans les services de cardiologie et de soins intensifs cardiologiques. « Les trois quarts des diabétiques décèdent d’ailleurs d’une maladie coronarienne », précise le Pr Maréchaud.

Contrôler la glycémie a donc pour objectif de diminuer les complications, notamment cardio-vasculaires et, in fine, de réduire la mortalité. Ce qui semble évident… Mais faut-il pour autant faire baisser l’HbA1C au maximum ? Après des résultats montrant le bénéfice d’un traitement antidiabétique intensif, une certaine confusion s’est développée à la suite de publications contradictoires. Pour y voir plus clair et tirer des conclusions pratiques de ces grands essais, le Pr Maréchaud propose un résumé des données issues des principales études.

La première, UKPDS, sur près de 4 000 diabétiques récemment diagnostiqués, a confirmé le bénéfice du traitement antidiabétique sur la morbimortalité. Un meilleur contrôle de la glycémie (7 % versus 7,9 %) a permis de réduire, au terme de 10 ans de suivi, la morbimortalité de 12 % (p = 0,03), la microangiopathie diabétique de 25 % (p = 0,01), le risque d’infarctus du myocarde de 16 % (0,052 NS). Un résultat certes globalement positif, mais décevant en ce qui concerne les complications macrovasculaires, observe le Pr Maréchaud. « C’est nettement moins efficace que l’impact de la baisse tensionnelle : le passage de 154/87 à 144/82 mmg Hg en moyenne, dans cette même population, entraîne une diminution de 24 % (p = 0,005) de la morbimortalité globale, de 37 % (p = 0,009) de la microangiopathie diabétique, de 44 % du risque d’AVC (p +0,013) et de 21 % (p = 0,13 NS) d’infarctus du myocarde. »

STENO2 a porté sur une population plus réduite puisqu’elle a inclus 160 diabétiques de type 2 ayant une microalbuminurie. Une intervention agressive sur l’ensemble des facteurs de risque avec un objectif d’HbA1c ‹ 6,5 % a permis de réduire, à 8 ans, de 50 % les complications macro et microvasculaires avec, en particulier, une baisse de 58 % de la rétinopathie et de 61 % de la néphropathie.

PROACTIVE menée sur plus de 5 000 diabétiques de type 2 est une étude de prévention secondaire, précise le Pr Maréchaud. Elle a en effet été réalisée chez des patients ayant déjà eu un événement cardio-vasculaire. L’adjonction d’une glitazone au traitement conventionnel a bien fait baisser l’HbA1c, mais n’est pas parvenue à entraîner une diminution significative de la mortalité toutes causes, ni de la mortalité d’origine cardiovasculaire, par rapport au placebo.

Comme le souligne le Pr Maréchaud, la baisse de l’HbA1c est bénéfique et a un impact convaincant sur les complications microvasculaires, mais le bilan de ces études dans des groupes de patients à des stades divers de l’évolution de leur diabète reste plus mitigé en ce qui concerne les complications macrovasculaires que ce soit en prévention primaire ou secondaire.

Pour tenter de lever le doute, une importante étude, ACCORD, a débuté en 2005. Quelque dix mille patients, dont le diabète évoluait depuis 10 ans avec un taux d’HbA1c de 8,1 % en moyenne, ont été randomisés en deux groupes : le premier, recevant un traitement intensif, gliméride + répaglinide en plus du traitement standard avait pour objectif une baisse de l’HbA1c à moins de 6 %, le second, sous traitement standard, avait pour cible un taux d’HbA1c ‹ 7,5 %. L’étude a été interrompue prématurément après 3 ans en raison d’une surmortalité de 22 % dans le bras intensif. Le principal facteur corrélé à cet excès de mortalité s’est révélé être le nombre d’hypoglycémies, et surtout d’hypoglycémies sévères, explique le Pr Maréchaud.

À la même époque était mise en route une autre étude, ADVANCE, portant sur 11 140 diabétiques à haut risque cardiovasculaire, avec un taux d’HbA1c plus bas à l’inclusion que celui des patients de l’étude ACCORD, à 7,5 % en moyenne. Ils ont reçu en plus de leur traitement, soit du glicazide, soit un placebo. L’incidence cumulée d’événements cardiovasculaires et microangiopathiques (critère principal de jugement) à 5 ans a été significativement plus faible dans le bras glicazide, avec une réduction de l’HbA1c à 6,5 %, alors que le taux était de 7,3 % dans le groupe placebo. Une amélioration qui est principalement attribuable à la diminution du risque de complications microvasculaires, observe le Pr Maréchaud.

Enfin, VADT portant sur 1 700 diabétiques de type 2 avec un taux d’HbA1c beaucoup plus élevé, 9,5 % en moyenne, un diabète évoluant depuis plus de 11 années et à haut risque cardiovasculaire n’a pas permis de conclure, bien que le taux d’HbA1c ait baissé à 6,9 % dans le groupe intensif contre 8,4 % dans le bras témoin, la diminution des événements cardiovasculaires majeurs n’a pas été significative. Néanmoins, précise le Pr Maréchaud, si l’on prend en compte le risque de complications cardiovasculaires selon la durée d’évolution du diabète, on constate une amélioration significative du risque dans le groupe dont le diabète était le plus récent, mais pas chez les patients ayant un « vieux » diabète.

Quels enseignements peut-on tirer de ces trois dernières études ? Dans ACCORD et VADT, la baisse de l’HbA1c dans le groupe « intensif » a été obtenue rapidement, trop rapidement sans doute, estime le Pr Maréchaud… Dans ADVANCE, le taux d’hémoglobine glyquée à l’inclusion était plus bas et la réduction s’est faite progressivement. Résultat, alors que le pourcentage d’hypoglycémies sévères n’a été que de 2,7 % dans ADVANCE, il a atteint 16,2 et 21,2 % respectivement dans ACCORD et VADT. À noter, en outre, une prise de poids dans ces deux dernières études, donc un plus grand nombre de sujets obèses.

En pratique, ces données viennent valider un certain bon sens clinique, comme le soulignent les généralistes participants à ce « Rendez-vous du Quotidien » : au début de la maladie, il faut se donner un objectif glycémique optimal et donc viser un taux d’HbA1c ‹ 6,5 % et mettre en œuvre une stratégie globale de prise de l’ensemble des facteurs de risque. En revanche, si le diabète est ancien a fortiori s’il s’agit d’un sujet âgé, il faut être plus modeste, explique le Pr Maréchaud. Le traitement antidiabétique doit être individualisé et le bénéfice en termes d’HbA1c mis en regard du risque d’hypoglycémie.

L’objectif d’e l’HbA1c doit être redéfini en fonction de l’âge du patient, de l’ancienneté du diabète, du niveau d’HbA1c au moment de la mise en route du traitement et du niveau de risque cardiovasculaire. Et surtout insiste le Pr Maréchaud il faut traiter efficacement les autres facteurs de risque, notamment la dyslipidémie et l’HTA.

*Une réunion organisée avec le soutien institutionnel des laboratoires Servier

 Dr MARINE JORAS

Source : Le Quotidien du Médecin: 9070