Rétinopathie diabétique

Des perspectives pour un avenir plus clair?

Publié le 16/09/2011
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Les essais FIELD et ACCORD ont contribué à mettre en évidence l’impact du fénofibrate sur le cours évolutif de la rétinopathie diabétique. Le fait que les bénéfices observés pouvaient difficilement s’expliquer par le seul effet lipidique du fénifobrate a suscité la mise en œuvre de divers travaux cherchant à identifier le ou les mécanismes d’action pouvant être en cause.

Il a, par exemple, été observé que le fénofibrate régulait de façon négative l’activité de la bêtacaténine, un facteur de transmission que l’on trouve en trop grande quantité chez les diabétiques et qui active de nombreux gènes impliqués dans l’inflammation.

Par ailleurs, chez l’animal, il a été montré qu’en injection intra-oculaire, le fénofibrate diminuait localement l’expression du VEGF, ce qui avait pour conséquence de freiner la migration des cellules endothéliales vasculaires, migration qui s’observe dans les rétinopathies débutantes.

L’essentiel à retenir est qu’il existe des données physiologiques et pharmacologiques concrètes qui sont en faveur d’un impact favorable du fénofibrate sur la rétinopathie diabétique, par inhibition de l’inflammation rétinienne, des effusions vasculaires et de la néovascularisation.

Contrôles tensionnel et glycémique sont intimement liés.

Concernant le rôle des antihypertenseurs dans le traitement de la rétinopathie diabétique, les données ne sont pas toutes concordantes.

Les données observationnelles indiquent clairement une relation entre degré de contrôle tensionnel et progression de la rétinopathie, les résultats de l’UKPDS vont dans le même sens en montrant, à 6 ans de suivi, qu’une réduction de la systolique à une moyenne de 140 mm Hg retarde la progression de la rétinopathie et ralentit la perte de vision liée à l’œdème maculaire.

En revanche, à 4 ans de suivi, il n’a pas été documenté de réduction de progression de la rétinopathie entre les groupes périndopril/indapamide et placebo de l’étude ADVANCE (respectivement 134,7 versus 140,3 mm Hg) et entre les groupes contrôle tensionnel strict ou standard de l’étude ACCORD (respectivement 119,3 versus 133,5 mm Hg), ce qui met en doute l’intérêt d’abaisser la pression artérielle en dessous des 130 mm Hg recommandés sur le strict plan de la prévention oculaire. Au vu de ces résultats et compte tenu du rôle du contrôle glycémique dans l’apparition et la progression de la rétinopathie, il paraît raisonnable de conditionner le niveau de contrôle tensionnel au niveau de contrôle glycémique obtenu. Il semble en effet hautement probable qu’il n’y aurait pas d’effet bénéfique pour quelqu’un qui atteindrait la valeur cible tensionnelle, mais aurait un mauvais contrôle glycémique.

Hormones sexuelles et rétinopathie.

Les études épidémiologiques montrent que la rétinopathie diabétique est plus fréquente chez les hommes que chez les femmes et, une fois installée, le risque de progression et la probabilité de régression sont respectivement plus importants et moins fréquents chez l’homme que chez la femme. La rétinopathie est par essence une maladie inflammatoire dans laquelle s’observent une production accrue de radicaux libres et une activation du principal facteur de transcription nucléaire (NF-κB). Chez l’animal prépubère rendu diabétique, la gonadectomie reproduit ces mêmes phénomènes inflammatoires et, chez les souris femelles, ils peuvent être corrigés par administration d’œstrogènes. La correction semble être liée à l’induction de la phosphorylation d’Akt, une protéine-kinase intervenant notamment dans le métabolisme glucidique, la prolifération cellulaire et l’apoptose. L’hypothèse actuelle est que les œstrogènes sont protecteurs, via des mécanismes antioxydatifs et anti-inflammatoires et que la survie cellulaire dépend, au moins en partie, des récepteurs œstrogéniques qui ont été identifiés dans la rétine et sur les leucocytes générés par l’inflammation. On travaille déjà à la mise au point de modulateurs sélectifs des récepteurs aux œstrogènes (SERM), qui auraient un tropisme rétinien et seraient dépourvus d’effets féminisants.

Logiciel VESGEN.

Ce programme informatique d’évaluation vasculaire permet une véritable cartographie 2D des vaisseaux rétiniens (VESGEN pour VESsel GENeration analysis). L’examen pouvant être répété à loisir, les investigateurs ne s’en sont pas privés, ce qui a abouti à des données remettant en question certains dogmes. Ainsi, il semble bien que la distinction entre rétinopathie proliférative et non proliférative ne soit qu’un artefact lié aux limites de la traditionnelle angiographie à la fluorescéine. Le logiciel met en effet en évidence une grande variabilité de l’angiogenèse au cours de la rétinopathie diabétique ; en particulier, il relève l’apparition de nouvelles ramifications artériolaires dans des rétinopathies considérées comme non prolifératives. Le pronostic pourrait, en fait, dépendre plus des caractéristiques dynamiques du remodelage vasculaire précoce, mis en évidence avec le logiciel VESGEN, que des probabilités de prolifération néovasculaire en fonction du stade de la classification de l’Early Treatment Diabetes Retinopathy Study. Tout cela est du domaine de la recherche et reste à confirmer, mais déjà circule l’espoir d’une possible fenêtre d’opportunité très précoce pendant laquelle une régénération rétinienne serait envisageable.

D’après les communications de Jian-Xing Ma (Oklahoma City), Emily Y. Chew (National Institutes of Health (NIH), Bethesda), Rose A. Gubitosi-Klug (Cleveland) & Patricia A. Parsons-Wingerter, (Glenn Research Center, NASA), lors du symposium "New Concepts in Diabetic Retinopathy".

Dr JEAN-CLAUDE LEMAIRE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9005