Troubles endocriniens chez les enfants adoptés

Des situations fréquentes à bien connaître

Publié le 17/11/2011
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SOUVENT, A LEUR ARRIVEE en France, les enfants nés à l’étranger ont un retard statural, dont les étiologies sont multiples, mais toutefois dominées par la dénutrition. Ces enfants présentent souvent par la suite une accélération de la croissance, qui impose d’être vigilant afin de ne pas méconnaître une puberté précoce, dont les conséquences sur la taille finale peuvent être graves. Il s’agit d’une situation fréquente puisque, selon des données récentes, elle concerne environ 25% des petites filles adoptées après l’âge de 4 ans. L’étiologie de ces pubertés précoces graves reste discutée : changement nutritionnel, le passage de la famine à l’excès peut engendrer un emballement du rattrapage staturo-pondéral ; exposition à des polluants, tels certains pesticides, utilisés en particulier au Brésil, jouant un rôle de perturbateurs endocriniens.

Une accélération de la croissance.

A côté de cette puberté précoce, très pathologique car très rapide, une accélération de la croissance peut relever d’autres étiologies, au premier rang desquelles le rattrapage nutritionnel chez un enfant auparavant dénutri.

Il peut également s’agir d’un nanisme psychosocial, conséquence du blocage de la sécrétion d’hormone de croissance consécutive à des mauvais soins. Secondairement, dans un environnement plus favorable, l’hormone de croissance « en réserve » est alors larguée, ce qui conduit à un gain de taille rapide.

Une puberté avancée sans être pathologique est également une situation rencontrée en pratique, dont les conséquences sont plus d’ordre psychologique (décalage par rapport aux enfants du même âge) que physique.

Enfin, mais il s’agit là d’un diagnostic d’élimination, une erreur d’âge est toujours possible, l’enfant étant en réalité plus vieux que ne l’indique son âge civil.

Une progression plus rapide de l’âge osseux.

Pour le praticien, tout l’enjeu est de ne pas passer à côté d’une puberté précoce grave, qui diffère de toutes les autres étiologies par l’évolution de l’âge osseux, encore plus rapide que celle de la croissance. « Dans les autres situations, l’âge osseux augmente vite, mais de façon parallèle au gain de taille », souligne le Dr  Jean-Vital de Monléon, qui rappelle que c’est pour cette raison qu’il est essentiel de faire réaliser de façon systématique une radiographie osseuse qui servira de cliché de référence chez toutes les petites filles adoptées après l’âge de 4 ans. Le diagnostic sera évoqué, par exemple, chez une fillette ayant eu en 3 mois un gain de taille de 6 cm (soit un an de croissance) et un gain de deux ans d’âge osseux. Au moindre doute, l’enfant sera adressé à un endocrino-pédiatre ou dans une consultation d’adoption.

Des troubles non spécifiques.

L’enfant adopté peut par ailleurs présenter une pathologie endocrinienne non spécifique, indépendante de son origine et de son histoire. Notamment, un bilan thyroïdien doit être demandé bien sûr en cas de signe évocateur quel que soit l’âge, mais de façon systématique chez les enfants de moins d’un an, dans le cadre de l’extension du dépistage néonatal. Une élévation modérée du taux de TSH sans autre anomalie des hormones thyroïdiennes et réversible en quelques semaines peut s’observer chez certains enfants dénutris. Le bilan d’arrivée doit également comporter, outre un interrogatoire minutieux pour reconstituer, tant que faire se peut, l’histoire de l’enfant et une lecture fouillée du carnet de santé, la recherche d’une phénylcétonurie, d’une sérologie rubéole et toxoplasmose, VHB, VHC, syphilis, VIH...

Enfin, la première consultation est un temps essentiel pour prodiguer des conseils en matière nutritionnelle. En raison de carences nutritionnelles antérieures, les enfants présentent fréquemment une hyperphagie après leur arrivée en France. Si cette période de renutrition doit bien sûr être respectée, il importe toutefois d’insister sur l’importance d’une alimentation diversifiée, le message étant de laisser les enfants manger à leur faim en évitant les erreurs qualitatives plus que quantitatives.

*D’après un entretien avec le Dr Jean-Vital de Monléon, hôpital d’enfants, CHU de Dijon.

Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Bilan spécialistes