Eviter laxisme et activisme

Diabète des sujets âgés : une nouvelle épidémie

Publié le 19/09/2011
Article réservé aux abonnés

GERODIAB

En dépit de l’importance du sujet, nous manquons d’informations sur les caractéristiques propres de cette population de seniors si bien que les référentiels les concernant s’appuient sur une extrapolation des données des sujets plus jeunes. Dans le but de combler ce manque de connaissance, une étude française dénommée GERODIAB a débuté en 2009 avec pour objectif principal d’évaluer le lien entre l’équilibre glycémique et la morbimortalité à cinq ans chez 1 000 diabétiques de type 2 âgés de plus de 70 ans. Les conséquences humaines, sociales et économiques de cette épidémie chez les seniors sont particulièrement lourdes en raison des complications multiples de la maladie. Sur ce terrain fragilisé par les années, le diabète et ses complications altèrent la qualité de vie et concourent à la dépendance médicale et sociale. Une prise en charge adaptée, prenant en compte les facultés cognitives, se révèle par conséquent indispensable.

Une population hétérogène

La définition du sujet âgé n’est pas univoque car l’important réside plus dans l’âge physiologique que dans le simple état civil. Ainsi, les sujets de plus de 65 ans présentant une polypathologie et ceux de plus de 75 ans doivent être classés parmi les seniors. En effet, rien n’est plus éloigné d’un sujet qui a bien réussi son vieillissement qu’un vieillard fragile présentant de multiples handicaps. Ce point est essentiel car il conditionnera le mode de prise en charge et les objectifs du traitement.

Bien que certains diabétiques de type 1 parviennent heureusement à un grand âge, le diabète de type 2, connu de longue date, constitue le cas de figure le plus habituel. Cependant, ce diabète peut se révéler brutalement chez les seniors par une décompensation hyperosmolaire plus souvent que cétosique notamment à l’occasion d’une complication vasculaire ou infectieuse. La constatation d’un amaigrissement ou d’une polyurie qui ne doit pas être confondue avec une incontinence doit conduire à contrôler la glycémie. Une corticothérapie, générale ou résultant d’infiltrations locales, peut générer ou révéler un diabète latent et réaliser ainsi un mode de découverte de la maladie. La survenue relativement brutale et inexpliquée d’un déséquilibre glycémique doit amener à la réalisation d’une imagerie pancréatique chez un malade âgé. En effet, même si beaucoup des tumeurs ainsi découvertes se situent au-delà de toutes possibilités thérapeutiques, leur caractère parfois curable et la nécessité d’éclairer le pronostic, invitent à réaliser de façon systématique une échographie ou une tomodensitométrie abdominale lorsqu’un diabète s’installe ou se déséquilibre brutalement sans raison particulière à cet âge.

Des objectifs raisonnables

Les objectifs du traitement reposent sur le contrôle des facteurs de risque cardio-vasculaires et tout particulièrement de l’HTA, sur la maîtrise du niveau glycémique et la prévention des hypoglycémies. Aucune étude à ce jour ne permet de définir les objectifs glycémiques des diabétiques âgés. Quoi qu’il en soit, les objectifs glycémiques doivent être adaptés à l’état clinique et à l’autonomie fonctionnelle du diabétique âgé. Ainsi, l’évaluation gériatrique et le bon sens prennent ici tout leur intérêt. Chez les malades qui ont réussi leur vieillissement, un consensus se dégage pour rapprocher les objectifs glycémiques de ceux de la population plus jeune. La fourchette d’HbA1c souhaitable habituellement retenue est de 6,5 à 7,5 %. Toutefois, les contraintes générées par un traitement agressif nécessitant un autocontrôle rapproché et exposant à des hypoglycémies doivent être prises en compte. Chez les sujets fragiles ou présentant un vieillissement pathologique, ces objectifs sont naturellement moins ambitieux et se situent entre 7,5 et 8,5 %.

Éviter les hypoglycémies

Ce point est essentiel car ces accidents sont justement redoutés par les médecins, les malades et les familles. Ces hypoglycémies sont fréquemment déroutantes dans leur présentation qui peut être très fruste surtout lorsqu’elles surviennent la nuit. Les hypoglycémies liées à l’insulinothérapie sont les plus fréquentes mais celles liées à la prise des sulfamides hypoglycémiants sont plus redoutables en raison de leur longue durée d’action notamment chez les sujets présentant une insuffisance rénale.

Un traitement adapté

Les mesures non médicamenteuses nécessitent d’être particulièrement adaptées à la personne âgée et doivent tenir compte des conditions de vie, de l’isolement, de l’état cognitif, des pathologies associées et notamment de l’état dentaire. En effet, le « régime » ne vise plus à cet âge à réduire une surcharge pondérale et toute l’attention doit être portée sur les risques de dénutrition. Il est donc nécessaire de proscrire toute restriction alimentaire excessive aboutissant à une ration calorique inférieure à 1 500 calories par jour. L’activité physique doit également tenir compte de l’état clinique du diabétique âgé et du risque de chute. Il s’agit d’une composante essentielle du traitement dont les bénéfices sont multiples, portant sur la qualité de l’équilibre glycémique mais également sur la trophicité musculaire et sur le renforcement de l’estime de soi. Sous réserve de l’absence de contre-indication, notamment rénale, et de la constatation d’une HbA1c conforme aux objectifs, il est parfaitement licite de poursuivre un traitement par voie orale. Dans ce contexte, les sulfonylurées sont les plus couramment utilisés, associés si cela est possible à la metformine. L’intérêt de la classe nouvelle des inhibiteurs de la DPP-4 tient à l’absence d’effet secondaire et de risque d’hypoglycémie.

L’insuline sans trop tarder

Toutefois le recours à l’insuline ne doit pas être différé dès que cela devient nécessaire. Ce traitement peut être indiqué de façon temporaire à l’occasion d’un épisode aigu intercurrent, infectieux notamment ou au cours d’une intervention chirurgicale. Plus souvent, l’insulinothérapie définitive s’impose devant un déséquilibre chronique du diabète ou en raison des contre-indications des traitements oraux en cas d’insuffisance rénale. Les schémas d’insulinothérapie et les objectifs thérapeutiques sont à évaluer au cas par cas. Ils sont guidés par le degré d’autonomie, l’âge physiologique, l’espérance de vie et les résultats du traitement. Ainsi, toutes les possibilités sont offertes, depuis l’injection unique au coucher ou le matin, associée éventuellement aux antidiabétiques oraux, jusqu’aux multi-injections dans le cadre d’un schéma basal bolus. La mise en route d’une insulinothérapie nécessite une éducation thérapeutique comme chez les plus jeunes, qui dans l’idéal, doit être réalisée au profit du malade lui-même. Lorsque les fonctions cognitives ne le permettent pas, force est de se tourner vers l’entourage ou les aidants. Le contrôle des glycémies capillaires, recommandé en cas de prise de médicaments potentiellement hypoglycémiants, est indispensable lors d’une insulinothérapie avec une fréquence qui est fonction de l’état clinique des malades. Ainsi, deux écueils doivent être évités chez les diabétiques âgés : celui d’un trop grand laxisme chez un diabétique qui a réussi son vieillissement ou l’activisme chez des sujets particulièrement fragiles.

 Pr BERNARD BAUDUCEAU Service d’endocrinologie, hôpital Bégin, Paris.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9006