Le rôle modulateur de la testostérone

Le comportement du mâle naîtrait de sa part féminine

Publié le 23/07/2010
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DES DÉCENNIES de théories sur le comportement masculin pourraient s’effondrer à la suite de travaux d’une équipe californienne. A. Juntti et coll. (Los Angeles) constatent, certes à partir de travaux chez la souris, que la testostérone n’est pas indispensable à la masculinisation du cerveau et aux traits typiques du mâle : recherche de l’accouplement, agressivité, marquage territorial. Les estrogènes ont aussi un rôle non négligeable.

La testostérone et les estrogènes sont connus pour avoir une place essentielle dans la mise en place et l’activation des comportements spécifiques de chaque sexe. La testostérone, pour sa part, active directement des récepteurs aux androgènes dans certains tissus cibles, comme le muscle. Les estrogènes, quant à eux, sont quasiment indétectables chez les mâles. Pourtant, la testostérone circulante peut être transformée en estrogènes au niveau cérébral, lesquels sont impliqués dans nombre de comportements masculins. L’interaction entre ces hormones masculines et féminines dans la masculinisation cérébrale et les attitudes qui en découlent était mal connue.

La testostérone dérivée des estrogènes.

L’équipe menée par Nirao M. Shah a découvert qu’au cours de la montée de testostérone néonatale très peu de récepteurs aux androgènes s’expriment au niveau cérébral. Ce qui leur a permis de conclure tout d’abord à la faible participation de la testostérone dans la masculinisation cérébrale. Ils se sont ensuite aperçus que l’expression de type masculin des récepteurs cérébraux aux androgènes était sous la dépendance de la testostérone dérivée des estrogènes.

Ces constats ont été confirmés par une approche génétique. L’équipe a créé des souris dépourvues de récepteurs cérébraux aux androgènes. Ces rongeurs mutés démontraient bien des comportements de mâle typiques : recherche des femelles, esprits de combat et de territorialité. Cependant par rapport à des souris sauvages, ces traits masculins étaient moins marqués.

Les chercheurs en concluent que la voie de signalisation de la testostérone, via les récepteurs aux androgènes, ne contrôle pas la différenciation masculine au niveau cérébral et le comportement inhérent. L’hormone agirait plutôt comme un régulateur de l’ampleur de ces attitudes de mâle.

En associant ces données nouvelles à ce qui était déjà connu, A. Juntti et coll suggèrent que le contrôle des comportements typiquement masculins est sous la dépendance des hormones à la fois mâles et féminines. Les estrogènes masculinisent les circuits cérébraux les focalisant vers l’accouplement, l’agressivité et le marquage du territoire. Puis les deux hormones en modulent, conjointement, le niveau d’expression.

Neuron, 29 avril 2010.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8760