Il augmente la synthèse de testostérone

L’os régule la reproduction de l’homme

Publié le 18/02/2011
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Crédit photo : PHANIE

DE NOTRE CORRESPONDANTE

« L’IDÉE DE CETTE ÉTUDE est née de l’hypothèse émise il y a onze ans, dans le premier article pour lequel vous m’avez interviewé, selon laquelle il devait y avoir une corégulation entre la masse osseuse, le métabolisme énergétique et la reproduction », explique au « Quotidien » le Pr Gérard Karsenty, directeur du département de Génétique et Développement de la Columbia University à New York.

L’évaluation de cette hypothèse a permis de révéler que l’os est un organe endocrinien, qui favorise l’équilibre glycémique et la dépense énergétique, par le biais d’une hormone, l’ostéocalcine, sécrétée par les ostéoblastes. Les récepteurs de l’ostéocalcine sur les cellules cibles n’ont pas été identifiés.

La relation entre l’os et le système reproducteur s’est concentrée jusqu’ici sur la régulation du remodelage osseux par les gonades. L’importance de cette régulation est illustrée par l’insuffisance ovarienne qui déclenche la perte osseuse et l’ostéoporose chez les femmes ménopausées.

« Il restait à savoir si l’os régulait la reproduction masculine et féminine », poursuit le Pr Karsenty.

L’ostéocalcine.

« Nous avons commencé à explorer cela il y a 2 à 3 ans. Nous avons d’abord effectué une expérience très simple, en co-cultivant des cellules osseuses (ostéoblastes) et des fragments de gonades mâles et femelles de souris. Nous avons constaté que les cellules osseuses pouvaient effectivement augmenter la production des hormones stéroidiennes sexuelles par les gonades, mais seulement chez les mâles. C’était à la fois une confirmation et une surprise, car nous nous attendions à observer cela plutôt chez les femelles. »

« Nous avons poursuivi cette voie de recherche. Pour nous, l’hormone qui était la meilleure candidate était l’ostéocalcine car c’est la principale hormone synthétisée dans l’os.

« Nous avons répété l’expérience des co-cultures de cellules osseuses avec des cellules de Leydig testiculaires, et nous avons montré que les ostéoblastes déficients en ostéocalcine ne peuvent pas augmenter la production de la testostérone par les testicules.

« Dans des modèles in vivo de perte de fonction (K. O.) et de gain de fonction d’ostéocalcine, nous avons confirmé que l’ostéocalcine augmente la synthèse de testostérone par les cellules de Leydig chez l’animal entier.

« En effet, en l’absence d’ostéocalcine, les souris ont une diminution des testicules et une baisse de testostérone, bien qu’elles aient une augmentation de LH, hormone lutéinisante sécrétée par l’hypophyse qui favorise la synthèse de testostérone. Une interprétation de ce résultat est que l’hypophyse ne peut réguler la reproduction que si l’ostéocalcine est présente. On peut également dire l’inverse. Ainsi, on peut peut-être dire que, pour ce qui est de la physiologie de la reproduction masculine, l’hormone ostéocalcine a une importance voisine de celle de la LH. Cela peut, bien sûr, être testé. »

Un récepteur de l’ostéocalcine a été cloné.

« Nous avons pu identifier le récepteur de l’ostéocalcine sur les cellules de Leydig, en profitant de la dichotomie mâle et femelle, et nous l’avons cloné ; il s’agit d’un récepteur GPCR orphelin appelé Gprc6a. Ce récepteur a été invalidé pour vérifier que c’est bien le récepteur de l’ostéocalcine sur les cellules de Leydig.

« Nous montrons donc que l’os est un organe endocrinien bien plus important que l’on imaginait. Il régule deux fonctions qui ont tendance à décliner avec l’âge - la reproduction et le métabolisme du glucose. Cela suggère que l’os n’est peut-être pas uniquement une victime du processus du vieillissement, mais également un déterminant endocrinien du vieillissement, à travers ces deux fonctions de l’ostéocalcine.

« Une autre implication est clinique. Bon nombre d’hommes présentent des troubles de la reproduction avec une testostérone basse et une hormone pituitaire élevée. Peut-être portent-ils des mutations dans l’ostéocalcine ou dans son récepteur sur les cellules de Leydig. »

Cell 17 février 2011, Oury, Karsenty et coll.

Propos recueillis par le  Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8909