Variants très rares mais risque multiplié par six

Un récepteur de la mélatonine lié au diabète

Publié le 01/02/2012
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Crédit photo : BSIP

DE NOTRE CORRESPONDANTE

UNE PERTURBATION des rythmes circadiens (tel que rythme veille/sommeil), centraux et périphériques, pourrait conduit à des troubles métaboliques et au diabète de type 2. Ainsi, des études ont montré une association entre le travail de nuit ou posté et un risque accru de diabète de type 2. Et si l’on perturbe le sommeil pendant trois jours de suite chez des volontaires, ceux-ci développent temporairement des symptômes de diabète.

Le cycle veille-sommeil de l’organisme est contrôlé par la mélatonine (« hormone du sommeil »), hormone produite par la glande pinéale dans le cerveau en l’absence de lumière. La mélatonine cible deux principaux récepteurs (couplés à la protéine G), MT1 et MT2. Il a été montré récemment que les récepteurs MT1 agissent sur le sommeil REM et bloquent le sommeil non-REM, tandis que les récepteurs MT2 favorisent le sommeil profond à effet réparateur (« Journal of Neuroscience », décembre 2011).

En 2008, une étude d’association génomique avait révélé que des variations communes du gène MT2 élevaient très légèrement le risque de diabète de type 2 (OR de 1,1 à 1,15). Afin d’identifier de rares variants du gène MT2 qui pourraient éventuellement influencer plus fortement le risque de diabète, une équipe internationale dirigée par les Drs Ralf Jockers (INSERM, Institut Cochin, Paris) et Philippe Froguel (CNRS, Université de Lille ; Imperial College London, Londres), a séquencé le gène MT2 chez plus de 7 600 Européens, dont 2 186 patients affectés d’un diabète de type 2.

Les chercheurs ont identifié 40 variants associés au diabète de type 2 (DT2), dont 36 variants très rares.

Une étude fonctionnelle a mis en évidence 4 variants très rares du gène MT2 associés à une perte complète de la fixation et du signal mélatonine.

Parmi les variants très rares, seuls les 13 variants associes à une perte de fonction partielle ou totale (mais non les variants neutres) contribuaient au DT2, multipliant pas presque 6 le risque de DT2.

Enfin, le génotypage des 4 variants entraînant une perte de fonction complète, chez près de 12 000 autres individus, a confirmé leur association au risque de DT2 (OR = 3,88).

Des implications cliniques.

« Cette étude permet pour la première fois d’établir un lien direct et fonctionnel entre la voie de la mélatonine et le diabète chez l’homme », explique au « Quotidien » le Dr Ralf Jockers (INSERM, Institut Cochin, Paris). « Des études génétiques précédentes l’avaient suggéré. Notre étude va maintenant plus loin du côté génétique par l’identification de mutations dans le gène MTNR1B codant pour le récepteur MT2, combiné à une caractérisation fonctionnelle des mutants correspondants. De façon plus générale, ce travail renforce le lien entre le diabète de type 2 et un dysfonctionnement de notre rythme circadien. »

« On peut imaginer que des médicaments déjà sur le marché et activant les récepteurs MT2 aident à une stimulation plus soutenue chez les patients ayant une mutation conduisant à la perte de fonction partielle », précise au « Quotidien » le Dr Jockers. « Notre étude va justifier un suivi des patients diabétiques par rapport à leur rythme circadien endogène, leur rythme veille/sommeil et leur prise alimentaire. Une meilleure compréhension de ces paramètres pourrait conduire à des conseils plus adéquats par les médecins pour mieux maîtriser leurs maladies. »

Les prochains objectifs.

« Nous élargissons actuellement cette étude à l’ensemble des acteurs de la voie de la mélatonine (d’autres récepteurs et les enzymes de la voie de biosynthèse de la mélatonine). Nous étudions également plus en détail les patients porteurs d’une mutation conduisant à la perte de fonction du gène codant pour le récepteur MT2 vis-à-vis des paramètres décrits plus haut (rythme circadien etc.). »

« Le contrôle de la glycémie est l’un des nombreux processus régulés par l’horloge biologique de l’organisme. Cette étude nous permet de mieux comprendre comment le gène qui encode un élément clé de l’horloge peut influencer le risque de diabète des individus », déclare dans un communiqué le Dr Philippe Froguel.

« Nous avons découvert des variants très rares du gène MT2 qui ont un effet bien plus grand sur le risque que les variants plus communs découverts précédemment. Bien que chaque mutation soit rare, ces mutations sont communes dans le sens où tout le monde héberge de très rares mutations dans l’ADN. L’identification de ces mutations nous permettra d’évaluer bien plus précisément le risque de maladie d’une personne base sur sa génétique. »

Bonnefond et coll. Nature Genetics 29 janvier 2012.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9076