Un sucre naturel pourrait traiter la stéatose hépatique

Publié le 26/02/2016
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foie

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Crédit photo : PHANIE

Le tréhalose, un sucre naturel, capte l’attention depuis que des travaux ont montré chez l’animal qu'il améliorait des maladies liées à l’agrégation de protéines, en induisant l’autophagie cellulaire. Une équipe révèle qu’il pourrait aussi protéger contre la stéatose hépatique non alcoolique et élucide la façon dont il induit l’autophagie.

L’autophagie est connue pour jouer de nombreux rôles dans l’organisme, et son insuffisance peut être impliquée dans diverses pathologies telles que cancer, protéinopathies neurodégénératives, stéatose hépatique non alcoolique (SHNA), diabète de type 2, et auto-immunité.

Utilisation en clinique ? 

« Nous espérons qu’en étudiant ce "nutraceutique" et ses actions, nous pourrons découvrir et mettre à profit ses importantes activités cellulaires afin de stopper ou inverser la maladie », déclare le Dr Brian DeBosch, gastroentérologue pédiatrique à la Washington University School of Medicine (St Louis, États-Unis) dont l’étude paraît dans la revue « Science Signaling ».

« L’impressionnant renversement du stockage des graisses et les modifications d’expression génique, décrits par DeBosch et coll. dans des modèles expérimentaux de stéatose hépatique, laissent espérer l’utilisation clinique d’une molécule relativement sûre qui pourrait bientôt devenir un remède miracle dans l’arsenal thérapeutique contre les troubles de la protéostase et du métabolisme », s’enthousiasment Mardones et coll. dans un commentaire associé.

Le tréhalose est un sucre présent naturellement dans certaines plantes, champignons (dont levures), insectes et invertébrés, et on le trouve donc dans des aliments comme le pain, le miel et les crevettes. Il se compose de 2 molécules de glucose reliées. Ses propriétés particulières ont conduit l’industrie alimentaire, pharmaceutique et cosmétique à l’utiliser.

Bénéfice dans les protéinopathies

Son bénéfice thérapeutique potentiel a été constaté dans des modèles animaux de protéinopathie comme la maladie de Huntington, la sclérose latérale amyotrophique, et la maladie du prion. L’administration orale de tréhalose réduisait les agrégats protéiques toxiques en stimulant l’autophagie cellulaire, par un mécanisme restant à découvrir.

L’équipe du Dr DeBosch montre maintenant que le tréhalose pourrait aussi être utile pour traiter la stéatose hépatique non alcoolique (SHNA), la plus fréquente des maladies chroniques du foie. La SHNA peut évoluer vers la cirrhose, l’insuffisance hépatique et le cancer, et il existe peu de traitements disponibles.

Le tréhalose s’avère induire l’autophagie des hépatocytes et réduire l’accumulation des gouttelettes lipidiques dans ces cellules par un mécanisme assez simple : il induit un état de « famine », en partie en bloquant le transport du glucose. Il inhibe en effet les transporteurs SLC2A du glucose, qui importent normalement l’hexose dans les hépatocytes et d’autres cellules. La pénurie en glucose déclenche alors un signal de famine, causant l’activation de l’AMPK, laquelle induit l’autophagie.

« En général, si l’on procure à la souris une alimentation riche en sucre, elle développe une stéatose hépatique. Nous avons découvert que si l’on administre à la souris un régime riche en fructose et qu’on lui donne de l’eau contenant 3 % de tréhalose, nous bloquons complètement le développement d’une stéatose hépatique. Ces souris ont aussi perdu du poids à la fin de l’étude et leur taux sanguin de cholestérol, acides gras et triglycérides sont plus faibles », précise le Dr DeBosch.

Des travaux supplémentaires sont nécessaires

Le chercheur prévient toutefois que des travaux supplémentaires sont nécessaires avant de débuter des essais cliniques dans la SHNA. Ils doivent vérifier que la perte de poids est bien due à la perte de graisse et non à une perte osseuse ou musculaire. Ils voudraient également mettre au point un meilleur médicament utilisant les mêmes mécanismes, avec l’objectif de débuter des essais chez l’homme dans 3 à 5 ans.

En attendant, le Dr DeBosch conseille à ses patients d’éviter tout aliment contenant du fructose ajouté, en particulier les boissons sucrées.

Science Signaling, 23 février 2016, DeBosch et coll., Mardones et coll.

 

Dr Veronique Nguyen

Source : lequotidiendumedecin.fr