Imagerie colique par vidéo-capsule

Des enjeux scientifiques et politiques

Publié le 27/10/2011
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SUR LE PLAN PRATIQUE, la capsule colique cumule les bons points. « En l’occurrence, elle consiste à demander au patient d’ingérer une grosse gélule à usage unique, de 11 mm de diamètre sur 31 mm de long, après préparation colique parfaite (peut-être encore plus exigeante que pour une coloscopie), explique le Pr Galmiche. Cette gélule porte à chacune de ses extrémités – à l’avant et à l’arrière – une caméra vidéo munie d’un système d’éclairage par diodes. Elle va ainsi permettre d’acquérir des images pendant une durée d’environ 10 heures et, ce qui est important, avec une vitesse d’acquisition des images variable en fonction de sa vitesse de progression (elle prend davantage de photos si elle avance vite, de façon à ne pas méconnaître une lésion) ». Cette capsule a déjà connu des améliorations techniques. « Avec les modèles de deuxième génération, l’angle de vue est plus grand et, surtout, il existe un dispositif électronique de mesure de la taille des polypes, ce qui est capital pour apprécier le risque de cancer ». Un logiciel permet de localiser en temps réel sa position et d’enregistrer les images vidéo pour les visionner ensuite. Le temps de relecture est de 45 à 60 minutes et demande, bien sûr, une expertise d’endoscopie en gastroentérologie pour interpréter les images recueillies. Par rapport à une coloscopie, l’un des avantages de la capsule colique est donc la possibilité de réaliser l’examen en ambulatoire, sans anesthésie générale. L’une de ses limites est le fait qu’il n’est pas possible d’effectuer de biopsie et qu’il faudra donc quand même réaliser une coloscopie si une lésion est repérée, par exemple un polype.

Ni en première intention, ni en dépistage.

La capsule colique n’est pas un examen de première intention, la référence restant la coloscopie pour les personnes ayant des symptômes d’alarme et/ou un Hémoccult II positif. Ses indications, qui demandent à être confirmées, relèvent pour l’instant de la deuxième intention : après une coloscopie incomplète (soit environ 10 % des coloscopies standard) ou encore, en cas de contre-indication à l’anesthésie générale, voire lorsque le patient refuse catégoriquement la coloscopie, et ce malgré une explication précise du médecin. « La performance de la capsule de deuxième génération se rapprochant de celle de la coloscopie, avec une sensibilité supérieure à 80 % et une valeur prédictive négative supérieure à 90 %, on peut espérer qu’en cas de découverte d’un polype par ce moyen, il sera alors plus facile de convaincre le patient récalcitrant de faire une coloscopie. À l’inverse, en cas d’absence d’anomalie, il pourrait être rassuré », précise le Pr Galmiche.

Une démarche exemplaire.

Pour l’instant, la capsule colique bénéficie uniquement d’un marquage CE, le prix étant de l’ordre de 700 €. « C’est LE problème en France : quand un processus innovant apparaît, le matériel passe par ce marquage. Il est donc quasi immédiatement disponible sur le marché, alors qu’il n’a pas été complètement évalué, ne donne pas droit à cotation pour le médecin et n’est pas remboursé au malade, regrette le Dr Helbert. Pour bien faire, il faut saisir les Agences nationales que sont l’AFFSAPPS et la HAS, qui vont apprécier l’innocuité du dispositif médical et le service médical rendu. Mais en pratique, c’est tellement long que cela représente un véritable frein à l’innovation. En outre, il n’y a pas souvent pas suffisamment d’argent pour financer les études ! »

Il a donc fallu que la profession se charge elle-même de mettre en place une organisation adaptée et c’est ce qui est en train de se passer pour la capsule colique. Pour en faire bénéficier les patients, la profession s’est concertée et il a été décidé de mettre en place un observatoire national endoscopique de la coloscopie par capsule (ONECC). « Grâce à cet observatoire, les malades auront un accès facilité à la capsule. Cela va également permettre d’encadrer la pratique, tant au sein du privé que du public, car pour pouvoir participer à cet observatoire et bénéficier de son label, les gastroentérologues participants devront prendre l’engagement de se former et, bien sûr, avoir également une pratique de la coloscopie. L’observatoire doit encore permettre le recueil des informations de terrain », précise le Pr Galmiche. Grâce à l’observatoire, la firme, les praticiens et les malades bénéficiaires vont donc se retrouver tous engagés dans une même démarche de bonne pratique et de recueil des données.

« À la tête de cet observatoire, on retrouve d’ailleurs un comité de pilotage dont le rôle est de surveiller et d’encadrer les centres, ainsi qu’un comité scientifique indépendant de la firme pour assurer une analyse scientifique et une formation, elles aussi totalement indépendantes du fabricant, décider des études à entreprendre, etc. Nous espérons ainsi faciliter la reconnaissance par la HAS de cette technique et son remboursement afin de ne pas devoir attendre sept ans comme cela fut le cas pour la capsule du grêle », poursuit le Pr Galmiche. Avis partagé par le Dr Helbert qui estime pour sa part que « cette démarche exemplaire va permettre aux hépato-gastroentérologues de se former et de s’approprier cette technique dans de bonnes conditions. Cet observatoire devrait donc accélérer le processus d’évaluation et de reconnaissance au niveau de la HAS. Cette dernière s’est d’ailleurs déclarée très intéressée par cette démarche – une première en gastroentérologie – et un contrat doit être passé dans ce sens », conclut le Dr Helbert.

D’après un entretien avec le Pr Jean-Paul Galmiche, CHU de Nantes, et le Dr Thierry Helbert, Marseille, président du syndicat national des médecins spécialistes de l’appareil digestif (SYNMAD, http://synmad.com/).

Dr NATHALIE SZAPIRO
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Source : Bilan spécialistes