Dr Éric Billaud, infectiologue CHU de Nantes

Des structures « peu visibles par le grand public »

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Publié le 19/09/2016
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Crédit photo : DR

Dans quelle mesure les CeGIDD améliorent-ils l'offre de santé sexuelle, et y parviennent-ils pour l'instant ?

Le travail a été à moitié fait. Ces structures sont plus simples et plus cohérentes. Elles ont vocation à coordonner une offre de santé sexuelle sur un territoire donné avec une expertise locale mais on n'a pas voulu les nommer pour ce qu'elles devraient être : des centres de santé sexuelle. Le cabinet de Marisol Touraine a opté pour le nom de CeGIDD, ce qui les rend peu visibles par le grand public, et ce d'autant qu'elles ont des fonctions supplémentaires, à savoir la santé sexuelle dans une approche plus globale.

L'idée au départ était de fusionner deux dispositifs qui, sur les plans budgétaire et organisationnel, étaient redondants. Les CIDDIST faisaient des IST et du dépistage et les CDAG faisaient du dépistage et pas toujours des IST. Pour l'instant, si une jeune femme de 15 ans s'inquiète pour un rapport sexuel à risque de contamination, elle ne sait pas très bien si elle doit s'orienter vers le CeGIDD, vers le planning familial, ou vers son généraliste. Le HCSP a recommandé que l'on simplifie encore cette offre en créant un rapprochement avec les centres de planification familiale, afin d'avoir un portail unique d'offre de santé sexuelle diversifiée et la possibilité de réorienter vers un service plus compétent.

Vous évoquez les nouvelles attributions des CeGIDD, est ce que la contraception et l'éducation sexuelle peuvent rentrer dans les missions de ces centres ?

C'est le but même si, historiquement, ces centres sont plutôt centrés sur le VIH. Les associations ont voulu que ces centres soient capables de répondre à toutes les demandes, et surtout celle de la communauté homosexuelle qui est très touchée par l'épidémie.

Dans les CeGIDD, il est prévu qu'un sexologue et un psychologue soient présents, mais ce n'est pas évident à mettre en place, car l'enveloppe globale des CeGIDD est de 52 millions d'euros soit le budget dont bénéficiaient les CDAG et les Ciddist. Cela se traduit concrètement par une diminution de l'offre de dépistage avec des fonctions plus diversifiées et une compétence accrue dans le domaine de la santé sexuelle. On devrait toutefois parvenir à mettre en œuvre une telle offre grâce à une présence associative.

La promotion de la santé sexuelle ne figure pas clairement dans les textes, mais ces structures ne peuvent faire de la prévention sans une analyse territoriale de l'offre de promotion. Une approche globale de santé sexuelle devrait éviter le découpage entre contraception, VIH, IST, vaccinations, repérage des violences etc.

La mise en place des CeGIDD s'est-elle bien déroulée pour l'instant ? Y a-t-il une continuité de l'offre en CDAG et CeGIDD ?

C'est variable d'une région à l'autre. Les professionnels des CDAG doivent apprendre à travailler d'une nouvelle manière, ce qui suppose des formations qui sont encore en cours. Il y a aussi des recrutements à mener en sexologie et psychologie.

Les financements des CeGIDD leur permettent-ils de déployer toute leur offre ? Et notamment d'ouvrir des consultations PrEP comme cela est possible depuis juin dernier ?

Les CeGIDD sont des centres gratuits, et le terme gratuit de l'intitulé est dommage car il leur empêche de faire leur travail en limitant le financement. Le fait que le CeGIDD tourne entièrement sur un budget de l'ARS et ne puisse pas facturer ses actes restreint la diversité des activités qui lui incombent. Une consultation PrEP implique un bilan sérologie complet et un rendez-vous tous les 3 mois au cours desquels ont procédé à une nouvelle série d'examen. Si l'on met cela en place, une bonne part du budget du CeGIDD risque d'y passer. C'est la même réflexion pour la vaccination : sans facturation, nous devrons faire des choix sur les activités des CeGIDD.

Certaines personnes souhaitent bénéficier de façon anonyme d'une offre de santé sexuelle, mais elles n'ont pas forcément besoin de la gratuité. À partir du moment où elles ont une protection sociale et une mutuelle, elles sont parfaitement en mesure de voir cette offre facturée.

Il faut que ce soit gratuit pour les publics précaires sans couverture sociale, qui deviennent très rares avec la CMU ou la CMU-C, ou alors les publics qui pourraient bénéficier d'une protection sociale mais ne souhaitent pas la faire jouer. Je pense notamment aux mineurs qui ne souhaitent pas que l'offre soit facturée pour ne pas mettre leurs parents au courant de leur démarche.

Propos recueillis par Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9518