Combattre les résistances dans l’hépatite C chronique

La voie des antiviraux « directs »

Publié le 10/05/2010
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ENVIRON 170 millions de personnes dans le monde sont infectées avec le virus de l’hépatite C (VHC).

Le traitement standard actuel de l’infection associe l’interféron pégylé (IFN), qui agit comme antiviral et cytokine immunorégulatrice, à la ribavirine, un antiviral interférant avec le métabolisme de l’ARN. Toutefois, en dépit de sa capacité à guérir l’infection chez de nombreux patients, ce traitement est long (de 24 à 48 semaines), occasionne de fréquents effets indésirables, et se montre peu efficace chez les patients ayant un VHC de génotype 1 (taux de guérison inférieur a 50 %).

Le telaprevir, un inhibiteur de la protéase du VHC.

Un certain nombre de nouveaux médicaments prometteurs qui interfèrent directement avec le cycle de vie du VHC ont été développés. Ils sont évalués en essais cliniques, comme le telaprevir, un inhibiteur de la protéase du VHC.

Toutefois, les essais cliniques du telaprevir ont montre l’émergence, dès le 2e jour de la monothérapie, de variants résistants qui représentent entre 5 et 20 % de la population totale du virus. Une résistance médicamenteuse aussi rapide lors d’une monothérapie n’a jamais été vue avec le VIH, le VHB ou n’importe quel autre pathogène évalué.

Dans une étude publiée dans « Science Translational Medicine », une équipe américaine s’est donc penchée sur le problème. En utilisant des modèles probabilistes et de dynamique virale, elle montre qu’une émergence aussi rapide de résistance médicamenteuse est prévisible.

Le taux de mutation intrinsèque du VHC étant élevé (plus élevé que celui du VIH), ils ont calculé que tous les mutants possibles (avec mutation unique ou double) peuvent être générés chaque jour et existent déjà avant le traitement. Ils estiment de plus que, durant les premiers jours du traitement, une mutation supplémentaire survient car la réplication n’est pas complètement inhibée.

Les chercheurs ont examiné les données d’un essai clinique du telaprevir dans l’infection par le VHC. Ils confirment que leur modèle correspond bien à la dynamique observée des virus sensibles et résistants au traitement.

Profils de résistance différents.

En conclusion, ils estiment que, pour combattre la résistance médicamenteuse, le traitement devra associer plusieurs antiviraux « directs » (au moins quatre, peut-être) aux profils de résistance différents.

« Nous avons découvert que l’émergence rapide de résistance aux antiviraux directs tient à une population de virus déjà présente, qui permet au virus résistant de devenir la souche dominante, explique le Dr Harel Dahari (Chicago). Pour remplacer le traitement standard par IFN et ribavirine, au moins 4 types différents d’antiviraux directs pourraient être nécessaires chez certains patients ».

« Les patients attendent avec impatience le jour où ils n’auront plus à prendre l’interféron et la ribavirine, ajoute le Dr Scott Cotler (Chicago). Mais, comme nous l’apprenons avec cette étude, si le traitement doit comprendre quatre antiviraux directs différents, il faudra du temps pour y arriver. Au moins à présent, nous connaissons l’objectif ».

À moyen terme, l’association du traitement habituel aux nouveaux antiviraux « directs » devrait améliorer le taux de guérison dans les populations difficiles à traiter, et raccourcir la durée du traitement.

« A la différence des infections par le VIH et le VHB, l’infection VHC est curable et les études cliniques montreront a terme combien de patients peuvent obtenir une éradication virale et combien d’antiviraux directs seront nécessaires », concluent les chercheurs.

Science Translational Medicine, 5 mai 2010.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8767