Infections à E. coli entérohémorragique O104 :H4

L’été d’une flambée épidémique exceptionnelle

Publié le 26/01/2012
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LE 27 MAI, L’OMS avertit d’un excès brutal de cas de syndrome hémolytique et urémique (SHU), touchant à 87 % des adultes (2), qui alarme l’Allemagne. Une épidémie d’infections à ECEH du sérotype O104 :H4 se révèle très vite extraordinaire par sa taille et sa sévérité. Un SHU, une complication très sérieuse des infections à ECEH, a été observé dans un quart des cas. Centrée en Allemagne, elle a touché des personnes d’une douzaine d’états membres de la communauté européenne et d’autres pays, qui viennent d’y séjourner ; une épidémie qui aurait pu atteindre une très grande ampleur sans son origine unique, attribuée épidémiologiquement, dès le 10 juin, alors même qu’elle tendait à se stabiliser, à la consommation de graines germées crues (fenugrec) issues d’une ferme du pays. Sur le sol français, la surveillance lancée par l’InVS a permis d’identifier deux malades en lien avec cette épidémie qui s’étaient contaminés lors un séjour en Allemagne en mai 2011.

Le 22 juin, 8 cas de diarrhée sanglante ou de SHU touchant des adultes de la région de Bordeaux ont été notifiés aux autorités sanitaires. L’identification, en deux jours, du même sérotype d’ECEH, a été à l’origine du déclenchement d’une nouvelle alerte européenne. Après enquête, l’InVS a indiqué que la consommation de graines de fenugrec était encore l’origine probable. Un groupe de travail européen est parvenu à remonter la chaîne de traçabilité des graines importées jusqu’à un producteur commun en Égypte et un lot commun, qui pourrait, selon les hypothèses avancées, être en cause dans les deux épidémies. D’où, le 5 juillet, une interdiction européenne des graines de fenugrec venant d’Égypte. Dans l’épisode français, 24 cas ont été identifiés, dont aucun mortel. L’épidémie a été très localisée et n’a concerné que des convives d’une journée portes ouvertes dans une commune bordelaise. L’origine en est la consommation d’un seul sachet de graines servi dans un buffet de crudités lors de l’événement. Le responsable probable des épidémies est un lot de 15 tonnes de fenugrec importé en Europe en 2009, avec pour hypothèse une contamination non homogène du lot dont aurait résulté la contamination de quelques sachets.

L’importance du signalement spontané.

Les infections par ECEH sont surveillées dans tous les états membres. Les données de surveillance européenne montrent que le sérogroupe ECEH O104 :H4 est très rarement associé aux infections cliniques chez l’homme et n’a entraîné que 4 ou 5 cas en Europe de 2004 à l’été 2011, contrairement au sérotype 0157:H7. Une particularité des épidémies allemandes et françaises à ECEH O104 :H4 est d’avoir touché essentiellement des adultes, une population qui n’est pas classiquement à risque de SHU lors des épidémies d’ECEH. La surveillance nationale des infections à ECEH en France porte principalement sur les enfants, cible essentielle du SHU d’origine infectieuse. O104 :H4 est rare parmi les ECEH, eux-mêmes une étiologie rare de diarrhée sanglante chez l’enfant. La veille est donc maintenue telle qu’elle existait déjà. Néanmoins, l’InVS a entamé une réflexion sur la faisabilité de surveiller les SHU d’origine infectieuse chez les adultes. Soulignons qu’il existe en France un signalement spontané qui complète les systèmes de surveillance spécifiques en vigueur. À Bordeaux, l’alerte immédiate des autorités sanitaires par les cliniciens ayant pris en charge les premiers cas a été d’une importance majeure.

D’après un entretien avec le Dr Lisa King, épidémiologiste à l’InVS.

(1) Flambées épidémiques d’infections à E. coli de sérotype O104 :H4 – OMS, bureau européen 2011.

(2) Outbreak of Shiga toxin-producing E. coli (STEC) in Germany – ECDC 27 mai 2011.

DOMINIQUE MONNIER

Source : Bilan spécialistes