Accident thromboembolique

Un risque post-opératoire élevé dans les MICI

Publié le 19/10/2011
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LES PATIENTS ayant une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) à type de maladie de Crohn ou de colite ulcéreuse, ont un risque accru d’événement thromboembolique, en particulier de maladie thromboembolique veineuse (MTEV). Cette association a été initialement décrite en 1936 à propos d’une série de 1 000 patients de la Mayo Clinic traités pour colite ulcéreuse, un accident thromboembolique étant survenu chez 18 d’entre eux.

Des publications récentes suggèrent que le risque d’accident thromboembolique chez ces patients peut être évalué à 1,5 fois celui de la population générale, et même à 4,7 fois chez les patients atteints de la maladie de Crohn. De plus, la mortalité semble accrue en cas d’accident thromboembolique survenant chez des malades atteints de MICI.

En dépit de ces constatations, les recommandations en vigueur ne préconisent pas une prophylaxie renforcée chez ces patients. Par ailleurs, des données récentes suggèrent que le risque de MTEV est très élevé après intervention chirurgicale chez les patients atteints de MICI. Ainsi, une étude a montré que le rapport des cotes (odds ratio) de thrombose veineuse profonde postopératoire était de 7,4 chez des malades atteints de MICI par comparaison avec celui des patients atteints de cancer colique chez lesquels une résection du côlon était pratiquée.

C’est pour ces raisons qu’A. Merrill et coll. (Massachusetts General Hospital, Boston) ont cherché à savoir si le risque de MTEV était également accru chez les patients atteints de MICI qui sont opérés dans le cadre du National Surgical Quality Improvement Project (1). Ce programme de l’American College of Surgeon a été conçu pour mesurer les résultats des interventions chirurgicales de façon à pouvoir les comparer d’un hôpital à l’autre et améliorer la qualité chirurgicale dans les hôpitaux participants.

Une étude qui a porté sur 2 249 opérés atteints de MICI.

Parmi les données des 271 368 patients du programme pour l’année 2008, celles des 2 249 malades ayant une MICI ont été comparées à celles des 269 119 qui en étaient indemnes. Les auteurs ont cherché à connaître l’incidence de la thrombose veineuse profonde, de l’embolie pulmonaire, des infarctus myocardiques et des accidents vasculaires cérébraux dans les 30 jours d’un acte chirurgical.

Les auteurs ont dénombré 2 665 thromboses veineuses profondes ou embolies pulmonaires chez 1,0 % des opérés. La MTEV a été plus fréquente chez les patients atteints de MICI, sa fréquence atteignant 2,5 % (p< 0,001). Cette fréquence a été encore accrue en cas de chirurgie extra-intestinale, puisqu’elle a atteint 5,0 %, p = 0,002).

L’analyse de régression, permettant de prendre en considération les facteurs confondants, a confirmé que les MICI étaient associées à un risque accru de MTEV avec un odds ratio de 2,03 (intervalle de confiance à 95 %, 1,52-2,70). En cas de chirurgie extra-intestinale, ce risque était encore accru, l’odds ratio atteignant 4,45 (intervalle de confiance à 95 %, 1,72-11,49). En revanche, les malades atteints de MICI ne sont pas apparus à risque accru d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral postopératoire.

Ainsi, ce travail montre que les patients atteints de MICI sont à risque accru de MTEV postopératoire, en particulier après chirurgie extra-intestinale. En revanche, le risque d’infarctus myocardique et d’AVC postopératoires ne semble pas augmenté.

Ce risque relativement élevé d’accident thromboembolique ne doit pas être méconnu. Il semble important de mettre en œuvre des essais de thromboprophylaxie primaire dans cette population de patients, voire, comme les auteurs le soulignent, d’envisager un réexamen des recommandations relatives à la prévention des accidents thromboemboliques. Cet article peut être rapproché d’une étude récente qui a quantifié le risque de thrombose veineuse au cours ds différentes phases évolutives des MICI (« Lancet », 2010;375:657-63).

(1) Merrill A, et coll. Arch Surg (en ligne le 17 octobre 2011). doi:10.1001/archsurg.2011.297.

Dr GÉRARD BOZET

Source : Le Quotidien du Médecin: 9028