Caractérisation des lésions du cancer colorectal et dissection sous-muqueuse

Une révolution en marche

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Publié le 22/11/2018
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dissection sous muqueuse

dissection sous muqueuse
Crédit photo : DR

Avec 45 000 nouveaux cas par an et 18 000 décès, le cancer colorectal est le deuxième cancer le plus meurtrier en France. Selon Santé publique France, il peut cependant être guéri dans 90 % des cas, à condition d’être détecté et pris en charge précocement.

Caractérisation par chromo-endoscopie

Outre l’examen macroscopique, la caractérisation des lésions néoplasiques colorectales est possible grâce à la chromo-endoscopie virtuelle (lumière à la longueur d’onde de l’hémoglobine). « L’image obtenue permet la caractérisation des structures vasculaires », indique le Dr Mathieu Pioche, gastro-entérologue au service d’hépato-gastro-entérologie de l’hôpital Edouard Herriot à Lyon. L’observation du relief muqueux, du relief vasculaire et de la couleur de la lésion permet de prédire à plus de 95 % la nature histologique de la lésion et sa profondeur d’invasion dans la paroi. À l’heure actuelle, cette caractérisation repose sur 6 classifications. « Pour simplifier le travail des gastro-entérologues, la Société française d’endoscopie digestive a proposé un classement en 5 branches de ces lésions », indique le Dr Pioche. Intitulée CONECCT, elle regroupe les classifications existantes en un seul tableau et est en cours de publication.

Résection endoscopique

« Selon les recommandations de l’European society of gastrointestinal endoscopy [ESGE], et en dehors du polype hyperplasique qui ne dégénère jamais, les lésions envahissant la muqueuse ou la sous-muqueuse superficielle (< 1mm) peuvent être guéries définitivement par résection endoscopique », indique le Dr Pioche. Cela concerne les adénomes simples, les lésions festonnées sessiles, les adénomes à risque et les cancers superficiels. Comparée à la chirurgie, la résection a un taux de morbidité très faible : « Il y a environ 1 % de saignement et 5 % de perforation du colon, dont 95 % fermées efficacement lors de la résection, soit au total 1,25 % de morbidité réelle », précise le professionnel. « Et dans toutes les séries de dissection colique, aucun décès n’a été jusqu’à présent constaté », ajoute-t-il.

En chirurgie, en revanche, une étude récente* indique un taux de morbidité de 20 % et de mortalité de 0,5 % pour les colectomies programmées pour lésions bénignes. « Pour les cancers invasifs profonds on n’est plus dans la maladie locale ; il faut donc passer à la chirurgie avec curage », ajoute-t-il.

« La dissection n’est cependant disponible que dans les Centres hospitaliers universitaires et quelques centres privés », regrette le Dr Pioche. L’endoscopie interventionnelle nécessite de disposer d’endoscopes avec zoom permettant la caractérisation fine, « une option encore chère », selon le praticien et un « apprentissage spécifique de la technique qui prend plusieurs année ». Par ailleurs, « certains gastro-entérologues envoient directement le patient vers le chirurgien même si la lésion est bénigne, déplore le médecin, alors que les recommandations de l’ESGE indiquent désormais que toute lésion doit être évaluée par un endoscopiste interventionnel avant d’être envoyé à un chirurgien, excepté dans le cas particulier d’un cancer invasif profond ».

Le médecin traitant a donc un rôle essentiel à jouer dans le parcours du patient. « Lorsqu’un gastro-entérologue envoie systématiquement ses patients au chirurgien pour des lésions bénignes, le médecin traitant peut remettre en question cette attitude et proposer au patient un second avis en centre expert d’endoscopie », souligne le Dr Pioche. « Ce professionnel a donc son mot à dire lorsqu’il reçoit un compte-rendu de coloscopie, à condition, bien sûr, qu’il ne le reçoive pas une fois que le malade a déjà été opéré », conclut-il.

*Bretagne JF et al, Endoscopy,2016

Stéphany Mocquery

Source : Le Quotidien du médecin: 9704