Amyotrophie spinale : coup d'envoi du projet Depisma qui expérimente le dépistage néonatal génétique dans deux régions

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Publié le 15/06/2022
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Crédit photo : Phanie

Petite révolution dans le dépistage néonatal : dès cet automne, les nouveau-nés du Grand Est et de la Nouvelle-Aquitaine pourront bénéficier, si les parents y consentent, du dépistage néonatal génétique de l’amyotrophie spinale (SMA). L'AFM-Téléthon lance en effet le projet Depisma dont l'objectif est d'évaluer la faisabilité de ce dépistage et d'en définir les méthodes, en vue d'une possible extension sur tout le territoire. Il s'agira de « la première étude de dépistage génétique d'une maladie en France : c'est quelque chose qui va ouvrir une nouvelle médecine », s'est félicité Christian Cottet, directeur général de l'AFM.

Le projet est mené en collaboration avec les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, le Centre hospitalier universitaire de Bordeaux, les agences régionales de santé (ARS) Grand Est et Nouvelle-Aquitaine et le soutien de la filière de santé neuromusculaire Filnemus.

L’amyotrophie spinale infantile est une maladie génétique rare qui touche les neurones moteurs (motoneurones) entraînant une atrophie progressive des muscles. Dans sa forme la plus grave (SMA type I, 60 % des cas), 95 % des enfants atteints meurent avant l’âge de deux ans, car la mutation du gène SMN 1 empêche la production de la protéine SMN, indispensable à la survie des motoneurones. La SMA touche une naissance sur 7 000, soit 100 enfants chaque année en France.

Malgré les demandes répétées de l'AFM-Téléthon, la SMA ne fait pas partie des pathologies dont le dépistage est systématiquement proposé à la naissance. Actuellement, (seulement) six pathologies sont concernées : la phénylcétonurie, l'hypothyroïdie congénitale, l'hyperplasie congénitale des surrénales, la drépanocytose, la mucoviscidose et, depuis le 1er décembre 2020, le déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne (MCAD). Régulièrement, la Haute Autorité de santé (HAS) plaide en faveur de l'intégration d'autres pathologies, comme le déficit immunitaire combiné sévère (Dics) ou les maladies liées à des erreurs innées du métabolisme.

Évolution liée à la loi de bioéthique

La loi de bioéthique du 2 août 2021 a fait sauter un verrou réglementaire en précisant que le dépistage néonatal pouvait recourir à des examens de caractéristiques génétiques. Jusqu'à présent, il reposait sur l'identification de marqueurs biologiques simples grâce au test de Guthrie, mais ces marqueurs n'existent pas pour la SMA, ce qui rend nécessaire un test génétique pour rechercher la mutation homozygote du gène SMN1 responsable de la maladie.

Concrètement, l'étude Depisma prévoit que deux gouttes de sang supplémentaires soient prélevées à la naissance d’un nouveau-né, lors de la procédure « standard » par Guthrie, et déposées sur un buvard spécifique à l’étude. Ce buvard « SMA », accompagné du consentement parental, sera envoyé le jour même au centre régional de dépistage puis l’analyse sera effectuée par le laboratoire de génétique régional.

Pertinence d'un dépistage précoce

Si l’enfant est dépisté homozygote pour le gène SMN1, un deuxième échantillon sera envoyé au laboratoire de diagnostic génétique de référence de Rouen pour affiner son statut génétique (détermination du nombre de copies d’un gène modulateur de la maladie, le gène SMN2). La famille et l'enfant seront accompagnés par le centre de référence des maladies neuromusculaires. Un traitement sera discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).

Le dispositif Depisma a été conçu pour proposer un traitement des nouveau-nés un mois au plus tard après la naissance, c’est-à-dire dans la meilleure fenêtre d’efficacité des traitements disponibles. En effet, deux traitements aujourd'hui autorisés en Europe, Spinraza (nusinersen) et Zolgensma (onasemnogene abeparvovec), se montrent particulièrement efficaces en présymptomatique, permettant aux enfants de rejoindre un développement moteur normal. Un troisième, Evrysdi (risdiplam), est en attente d'autorisation dans cette indication en Europe, après avoir été autorisé aux États-Unis.

Portée par le Pr Vincent Laugel, neuropédiatre, responsable du centre de référence des maladies neuromusculaires au CHU de Strasbourg et promoteur de l’étude, et le Pr Didier Lacombe, généticien et coordinateur du centre régional de dépistage néonatal Nouvelle-Aquitaine au CHU de Bordeaux, l’étude Depisma pourrait dépister et traiter plus d'une trentaine d'enfants. Le programme sera évalué un an après son lancement et pourra ouvrir le dépistage à d'autres régions. Il devrait aussi permettre de définir les méthodes de dépistage les plus efficientes, et les coûts qui y sont liés.


Source : lequotidiendumedecin.fr