Cro-Magnon 1, le premier homme moderne identifié souffrait probablement de neurofibromatose 1

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Publié le 30/03/2018
Cro magnon

Cro magnon
Crédit photo : Froesch/Charlier/Visualforensic/UVSQ/Lancet

Cro-Magnon 1 aurait souffert de neurofibromatose de type 1 (aussi connue sous le nom de maladie de von Recklinghausen), selon une équipe française, dont les résultats ont été publiés dans « The Lancet ».

Le crâne de Cro-Magnon 1, de sexe masculin, a été découvert il y a 150 ans dans la grotte des Eyzies, en Dordogne. Il s'agit de la première trace d'homme moderne découverte. « C'est à partir de ce crâne que l'espèce Homo sapiens a été identifiée », précise au « Quotidien » le Dr Philippe Charlier, médecin légiste et anthropologue à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, qui a dirigé l'étude.

En raison d'une lésion ostéolytique apparente sur le front de Cro-Magnon 1, plusieurs hypothèses ont été formulées : altération post-mortem, actinomycose… Cette étude apporte un nouvel éclairage.

Cro-Magnon 1, un patient comme les autres

« Nous avons considéré Cro-Magnon 1 comme un patient "classique", en procédant d'abord à un examen externe du squelette », indique le Dr Charlier. Les différentes lésions du crâne ont été étudiées au niveau du front, des arcades sourcilières, du maxillaire et de la mandibule. « Nous avons fait passer à Cro-Magnon 1 un microscanner, beaucoup plus précis qu'un scanner médical avec une définition de 10-15 μm, qui permet d'avoir une échelle microscopique », ajoute l'anthropologue.

En plus des lésions à la surface du crâne, des lésions internes ont également été observées, en particulier au niveau du conduit auditif interne gauche. « Celui-ci était plus large que le droit, ce qui est révélateur d'une petite tumeur qu'on appelle neurinome, qui, en poussant, a fini par éroder l'os », explique le Dr Philippe Charlier.

Des arguments forts en faveur de la neurofibromatose 1

L'observation de ces symptômes a orienté les scientifiques vers le diagnostic de neurofibromatose 1, une maladie génétique. « Nous avons comparé ce cas à d'autres patients, notamment grâce à des collections anatomiques et pathologiques, comprenant des crânes de patients modernes du XIXe et du XXe siècles qui ont été conservés car jugés intéressants par les médecins, avec un diagnostic certain de neurofibromatose 1 », raconte-t-il. Des correspondances entre ces crânes et celui de Cro-Magnon 1 ont permis de confirmer le diagnostic.

Le Dr Charlier reste toutefois prudent : « Nous avons des arguments forts allant dans le sens d'une neurofibromatose 1, qui est le diagnostic le plus crédible jusqu'à présent, mais seul un test génétique aurait permis d'être certain du diagnostic. Malheureusement, l'ADN de Cro-Magnon 1 est trop abîmé pour cela. »

Une reconstitution réaliste du visage de Cro-Magnon 1

Ce diagnostic rétrospectif a permis une reconstruction du visage de cet individu, qui apparaît notamment avec un nodule important sur le front. Le Dr Charlier souligne qu'il s'agit d'une « reconstruction scientifique et réaliste, réalisée d'après une démarche d'anthropologie médico-légale ».

Il voit aussi dans ces résultats une dimension plus philosophique : « Le plus vieil homme moderne retrouvé au monde était un homme malade. Et cet individu, vraisemblablement déformé par la maladie, a bénéficié malgré tout d'une sépulture et d'une prise en charge par la communauté. C'est une belle image de non-exclusion liée à la maladie. »

D'après lui, « il s'agit du cas le plus ancien de cette maladie. Il existe des cas suspectés au moment de l'Égypte pharaonique, mais ils mériteraient d'être réexaminés avec les techniques modernes ».

L'analyse du reste du squelette de Cro-Magnon 1 est par ailleurs prévue, même si elle risque d'être complexe : « Tous les éléments du squelette n'appartiennent pas forcément à cet individu, en raison des ossements mélangés », note le Dr Charlier.


Source : lequotidiendumedecin.fr