À partir de cellules souches pluripotentes induites

Des souris avec deux papas

Publié le 14/12/2010
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Crédit photo : BSIP

L’INFORMATION tient en une ligne, l’explication est beaucoup plus longue. Des chercheurs texans, Jian Min Deng et coll. (Houston) ont obtenu la naissance de souris issues de deux souris mâles. Pour y parvenir ils ont eu recours à la technique des cellules souches pluripotentes induites, les iPS. Pourrait-on dès lors envisager un jour une forme de reproduction sans participation féminine ? Certainement pas, car, si les deux gamètes ont pu être obtenus de souris mâles, il a bien fallu que l’œuf fécondé soit implanté dans un utérus pour la gestation.

Au-delà de la prouesse technique quel peut être l’intérêt d’une telle avancée. L’équipe de Richard R. Behringer y voit des implications éventuelles chez l’humain et chez l’animal. En médecine, dans le cadre de l’aide à la procréation ; dans certaines infertilités associées à une anomalie chromosomique, comme le syndrome de Turner. En élevage, pour sélectionner des lignées. Enfin, il y aurait là un moyen de préserver des espèces animales en voie d’extinction. « Si tout cela devient possible, ajoutent-ils. Un jour deux hommes pourraient concevoir leurs propres fils et filles génétiques »

Le parcours biologique pour obtenir le résultat escompté apparaît tortueux. L’équipe a tout d’abord dédifférencié des fibroblastes du « père 1 » en iPS. Partant de ce qu’ils avaient constaté sur les cellules souches embryonnaires, ils ont isolé un sous-clone d’iPS (environ 1 %) porteuses, non pas du caryotype normal XY, mais d’un X uniquement. Ces cellules, dites X0, sont de fait féminines. Chez l’humain, un embryon avec un tel caryotype n’est en général pas viable ; en cas de survie, la fillette est atteinte du syndrome de Turner.

L’empreinte génétique « maternelle ».

L’étape suivante a consisté à provoquer la différenciation de ces iPS X0 en ovocytes. Notamment, au cours de l’ovogénèse, ces cellules ont subi une méiose. À cette étape, les auteurs considèrent la persistance de l’empreinte génétique « maternelle » comme un élément-clé du succès. Les ovocytes ont ensuite été fécondés par des spermatozoïdes issus du « père 2 ». C’est ainsi que les Texans ont obtenu 27 souriceaux mâles et femelles.

Le succès est d’autant plus remarquable que « ça n’était pas gagné ! ». En effet, les tentatives de conception d’embryons à partir d’allèles issus d’ovogénèse ou de spermatogénèse avaient conduit à des morts in utero. L’explication en était un déséquilibre dans l’expression des empreintes génétiques : les différences épigénétiques dérivées des gamétogénèses sont indispensables au développement embryonnaire. En revanche, des souris femelles d’origine bi-maternelle ont déjà été obtenues par transfert nucléaire dans les ovocytes.

Dans leur conclusion, les auteurs, bien sûr se veulent rassurants. Ils expliquent que la technique requiert une quantité significative « d’affinements » avant un éventuel passage en thérapeutique humaine. Sur ce dernier point, l’ADN mitochondrial, indispensable au développement et d’origine uniquement maternelle, est ici remplacé par du matériel fournit par le « père 1 ». Une voie d’évitement des maladies mitochondriales se fait jour.

Biology of Reproduction, doi :10.1095/biolreprod.110.088831.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8876