Le miglustat testé dans la mucoviscidose

L’anomalie génétique corrigée in vitro

Publié le 22/07/2009
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ARRIVER à soigner la mucoviscidose et pas seulement les symptômes, voilà à quoi travaille l’équipe de Frédéric Becq de l’Institut de physiologie et biologie cellulaires de Poitiers. Leur labeur vient d’être récompensé avec le miglustat. Les chercheurs viennent en effet de montrer que la molécule permettait de restaurer in vitro la fonctionnalité cellulaire altérée au cours de la maladie.

« Dans nos recherches, nous travaillons à partir d’un portefeuille de différents composés potentiellement actifs. Ayant déjà publié sur le miglustat, nous avons poursuivi nos efforts sur la molécule », explique Frédéric Becq pour le « Quotidien ». « Tout l’intérêt, c’est, qu’en parallèle, la molécule, déjà indiquée dans la maladie de Gaucher et d’autres maladies de surcharge, est testée par une autre équipe dans un essai de phase 2. C’est avec impatience que nous attendons leurs résultats prévus sous peu. Il est fondamental de savoir si nos résultats sont transposables à la clinique », indique le chercheur, qui tient à souligner au passage le soutien financier des associations de malades, sans lequel rien n’aurait pu voir le jour.

Restaurer la protéine CFTR.

La mucoviscidose est caractérisée par le dysfonctionnement d’une protéine membranaire, la protéine CFTR, présente au niveau de l’épithélium pulmonaire et contrôlant les échanges d’eau et de sels minéraux. Au niveau cellulaire, la maladie se traduit par par l’absence de sécrétion chlorure, une hyperabsorption sodique, une dérégulation de l’homéostasie calcique et une réponse inflammatoire exacerbée. Au plan clinique, il en résulte un épaississement du mucus bronchique et des canaux du pancréas, entraînant infections pulmonaires et troubles digestifs.

Plusieurs types de mutations de la protéine CFTR existent. Le mécanisme d’action du miglustat fait qu’il n’est proposé qu’en cas de mutation delta F508, la plus fréquente. « C’est une mutation de classe 2, parmi les plus difficiles à corriger en raison de l’atteinte du réticulum endoplasmique. Des mécanismes complexes intracellulaires sont mis en jeu et tous ne sont pas bien décrits. Ici, on attend que le miglustat déroute la voie de dégradation de la protéine CFTR et restaure ainsi son activité, explique le physiologiste. Il faut bien comprendre, qu’il n’est pas question de guérir la cellule malade, mais de lui redonner des propriétés fonctionnelles proches de la normale. »

Des flux membranaires infimes.

L’équipe a ainsi montré qu’un traitement quotidien des cellules pulmonaires humaines homozygotes pour la mutation delta F508 permettait d’obtenir un phénotype non malade. La correction a été obtenue au bout de 3-4 jours avant de se stabiliser et s’est maintenue pendant les deux mois de l’expérience. Si le traitement est arrêté, de nouveau les cellules fonctionnent anormalement. « Pour mesurer la fonction de la protéine CFTR, nous avons étudié les transports ioniques à travers les membranes cellulaires. Ce sont des flux infimes de l’ordre d’une dizaine de picoampères mesurables à l’aide de techniques d’électro-biochimie », présente le chercheur poitevin avec simplicité. « Les concentrations utilisées de 3 micromolaires sont comparables à celles que les patients pourraient avoir dans le sang. Nos constatations ne permettent pas de dire que ce sera suffisant en clinique, mais elles sont très encourageantes. Bien sûr, les résultats de l’essai en cours sont fondamentaux et permettront d’orienter les études in vivo chez l’animal que nous commencerons dès la rentrée en septembre ».

American Journal of Respiratory Cell and Molecular Biology, août 2009.

Dr IRÈNE DROGOU

Source : lequotidiendumedecin.fr