À partir de cellules souches pluripotentes induites

Un modèle tissulaire du QT long

Publié le 18/01/2011
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

LE SYNDROME du QT long congénital (SQTL) est un syndrome arythmogène familial caractérisé par une anomalie fonctionnelle d’un canal ionique, une repolarisation retardée, et un risque significatif de mort subite par arythmie ventriculaire à type de torsades de pointes ou de fibrillation ventriculaire.

À ce jour, 12 gènes mutés (plusieurs centaines de mutations) ont été identifiés chez les sujets atteints ; de fait, le syndrome est maintenant classé en 12 sous-types, dont les plus fréquents sont les formes QTL1, QTL2 et QTL3. La plupart des familles ont leur mutation propre, et certaines caractéristiques cliniques, ainsi que la réponse au traitement, peuvent être influencées par le gène muté.

En l’absence de source in vitro de cardiomyocytes humains, l’étude de la maladie a principalement reposé sur les modèles animaux imparfaits.

En octobre dernier, des chercheurs allemands (Moretti et coll., New England Journal of Medicine » et « le Quotidien » du 7 octobre 2010) utilisaient pour la première fois la technologie des cellules souches pluripotentes induites (iPS) pour produire in vitro des cardiomyocytes porteurs des anomalies du syndrome du QT long de type 1. Les chercheurs avaient généré des cellules iPS dérivées de la reprogrammation des cellules de peau d’un père et de son fils atteints du QTL1.

Une équipe israélienne (Itzhaki et coll., « Nature ») rapporte maintenant le développement un modèle tissulaire in vitro du syndrome du QTL2 propre à une jeune femme (causé par une mutation A614V du gène KCNH2).

Les fibroblastes cutanés d’une jeune patiente.

Pour ce faire, des cellules de peau (fibroblastes) obtenues chez la patiente ont été reprogrammées, via la transfection de vecteurs rétroviraux encodant les facteurs de transcription SOX2, KLF4 et OCT4, pour produire des cellules iPS ; celles-ci ont été amenées ensuite à se différencier en cellules cardiaques (ventriculaires, auriculaires et cellules nodales).

Après analyse, les cardiomyocytes dérivés des cellules iPS de la patiente reproduisent bien in vitro les anomalies du QT long, tant au niveau cellulaire que multicellulaire. Ainsi, les cellules ont un potentiel d’action prolongé (du fait d’une réduction du courant potassium cardiaque), une repolarisation retardée et un comportement arythmogène

Les chercheurs ont ensuite utilisé ce modèle tissulaire cardiaque du QTL2 pour évaluer, dans le propre contexte génétique de la patiente, les médicaments existants ou nouveaux qui peuvent aggraver (inhibiteurs du canal potassium) ou améliorer (inhibiteurs du canal calcium, ouvreurs du canal potassium-ATP, et inhibiteurs du canal sodium tardif) le syndrome.

« Ce travail procure un modèle unique pour étudier les mécanismes sous-tendant le SQTL et le développement des arythmies », explique au « Quotidien » le Dr Lior Gepstein (Technion, Israel Institute of technology, Haifa) qui a dirigé ce travail. « Il procure une plateforme unique pour le développement pharmacologique. Enfin, il montre qu’il est possible d’utiliser la stratégie iPS dans le futur pour la médecine personnalisée (individualiser le traitement médicamenteux). »

Les chercheurs envisagent d’utiliser la technologie iPS pour étudier d’autres troubles cardiaques héréditaires.

Nature 17 janvier 2011, Itzhaki et coll., DOI: 10.1038/nature09747

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8887