Arthrose digitale

Considérer la maladie, soulager le patient

Par
Publié le 13/05/2019
Article réservé aux abonnés
ARTHROSE digitale

ARTHROSE digitale
Crédit photo : PHANIE

La prévalence de l’arthrose augmente avec l’âge et l’épidémie actuelle d’obésité et de sédentarité. La localisation digitale touche majoritairement la femme. Douleurs, gêne fonctionnelle au quotidien, disgrâce esthétique peuvent altérer la qualité de vie.

Le diagnostic est clinique, facile dans 98 % des cas devant des nodosités d’Hebergen et/ou de Bouchard au niveau des interphalangiennes, respectivement distales (IPD) et proximales (IPP). En cas de rhizarthrose (arthrose de l’articulation trapézo-métacarpienne), l’examen note l’aspect carré à la base du 1er métacarpien, l’amyotrophie de l’éminence thénar, la douleur à la pression de la tabatière anatomique et précise le degré de gêne à la préhension. La radio des 2 mains de face suffit à confirmer le diagnostic.

Parmi les diagnostics différentiels à évoquer, citons l’hémochromatose, éliminée par l’interrogatoire et une ferritinémie ; le rhumatisme psoriasique (coexistence ou antécédent de psoriasis cutané, aspect radiographique détruit de l’IPD), parfois délicat à éliminer, car la vitesse de sédimentation peut être normale, il n’y a pas de marqueurs. Les 2 maladies peuvent provoquer les mêmes atteintes ou coexister.

Considérer la maladie

Que faire ? « Expliquer ce qu’est l’arthrose au patient : une atteinte articulaire qui lèse le cartilage, dont l’évolution vers l’ankylose (surtout gênante aux IPP) et les déformations (nodosités, flessum des dernières phalanges, déviations latérales) reste imprévisible ; évaluer la gêne fonctionnelle, les déformations et expliquer que la déviation latérale liée à l’atteinte des ligaments collatéraux est réductible, mais revient dès qu’on lâche l’articulation (la gouttière n’est qu’antalgique) ; considérer la maladie, certes non grave, mais qui gêne : on peut faire en sorte qu’elle n’évolue pas trop », insiste le Dr Maheu. La 1re ligne thérapeutique est physique (recommandations EULAR 2018). « Les exercices de renforcement musculaire (petite balle en mousse à presser…), améliorent la force et la préhension. Il faut mobiliser les doigts, mais fractionner l’activité pour économiser les articulations (piano, jardinage, etc. : faire des pauses) », souligne le Dr Maheu.

Divers moyens peuvent soulager les douleurs : antalgiques (AINS per os, gels topiques), applications (chaleur, paraffine, boue), cures thermales, orthèses (mise au repos la nuit). Biothérapies, injection d’extraits plaquettaires sont inefficaces. « Les anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente (sulfate de chondroïtine, glucosamine) bien que déremboursés sont utiles et préférables aux compléments alimentaires d’origine douteuse », note le spécialiste.

La poussée inflammatoire (articulation gonflée d’aspect fusiforme avec épaississement capsulo-synovial latéral mou et souple) est une URGENCE : mettre au repos et faire une infiltration de corticostéroïdes en urgence sous contrôle radiologique évite les destructions et l’ankylose ultérieures.

Dans les formes très inflammatoires et destructrices adresser au spécialiste pour avis thérapeutique (se discute une corticothérapie orale faible dose, la colchicine, ou l’hydroxychloroquine). La chirurgie se discute dans la rhizarthrose très douloureuse avec limitation fonctionnelle de la préhension et les déformations digitales gênant la fonction des doigts adjacents. « L’arthrodèse acceptable au niveau de l’IPD car le contact palmodigital est préservé, ne l’est pas au niveau de l’IPP car elle entrave la préhension. Les prothèses sont utiles », précise le Dr Maheu.

Signalons la cohorte DIGICOD : plus de 400 patients sont suivis à l’hôpital Saint-Antoine par les Prs Berenbaum et Sellam et le Dr Maheu pour préciser l’évolution de l’arthrose de la main (facteurs prédictifs d’évolutivité, de forme sévère, de déformation…).

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9749