Après une césarienne effectuée sans consentement, l’ONU rend une décision symbolique sur les violences obstétricales

Publié le 04/08/2022

Crédit photo : PHANIE

En juillet dernier, le comité des Nations unies a reconnu les violences obstétricales qu’avait subies une patiente espagnole durant son accouchement, après plus de dix ans de combat. Nahia Alkorta, qui avait souffert d'un syndrome de stress post-traumatique après son accouchement dans le nord du pays en 2012, avait fait appel à l'ONU faute d'avoir été reconnue comme victime par les tribunaux espagnols.

Le Comité de l'ONU pour l'élimination des discriminations contre les femmes (CEDAW) a finalement conclu que Nahia Alkorta avait été victime d'une série d'actes sans justification qui représentaient un cas de violence obstétricale, notamment une césarienne effectuée sans son consentement, alors qu'elle avait les bras attachés et en l'absence de son mari.

« Enracinées dans les systèmes de santé »

Suite à cette décision symbolique, désormais des voix s'élèvent en Europe pour dénoncer les violences obstétricales. « Plus de 100 femmes m'ont contactée disant avoir vécu la même chose », déclare Nahia Alkorta, aujourd'hui âgée de 36 ans et mère de trois enfants, qui au Pays basque espagnol. Cette violence, « on n'en parle pas à cause de la douleur qu'elle provoque, à cause de la honte et parce qu'il y a cette idée que c'est comme ça et puis c'est tout », poursuit-elle.

Dans son rapport, le CEDAW définit les violences obstétricales comme « un type particulier de violences contre les femmes lors de l'accouchement dans des centres hospitaliers, dont il a été montré qu'elles sont très répandues, systématiques dans leur nature et enracinées dans les systèmes de santé ».

Bras attachés

En Europe, certaines associations nationales de médecins récusent le terme de violences obstétricales. Nahia Alkorta affirme, elle, avoir souffert de cauchemars, d'insomnies et de souvenirs traumatiques après une épreuve qui a commencé lorsqu'elle a perdu les eaux au bout de 38 semaines de grossesse.

À l'hôpital public de Saint-Sébastien, on lui a administré de l'ocytocine pour déclencher l'accouchement, alors même qu'elle avait des contractions et sans qu'aucune explication médicale lui soit fournie, raconte-t-elle. Elle se souvient aussi que les réponses du personnel à ses questions sont devenues de plus en plus agressives.

Le lendemain de son arrivée à l'hôpital, les gynécologues ont décidé de pratiquer une césarienne, sans lui demander son accord et bien qu'une sage-femme lui ait dit que le travail progressait, ajoute-t-elle. Avec ses bras attachés, un protocole suivi par certains hôpitaux pour les césariennes, et son mari interdit d'accès à la salle d'accouchement, elle tremblait de peur.

Peu de poursuites

Il n'existe pas de données globales sur ce problème en Europe. Mais les groupes de défense des droits affirment que, régulièrement, les femmes se voient refuser le consentement éclairé et sont soumises à des comportements grossiers et dégradants par le personnel médical.

En Serbie, une récente pétition a recueilli 70 000 signatures en cinq jours pour demander que l'État prenne en charge le coût parfois exigé pour la présence d'une personne accompagnant une femme dans la salle d'accouchement. La pétition dénonce notamment des insultes, des humiliations, des cris, ainsi que des négligences et des erreurs médicales de la part du personnel.

Certains pays comme l'Espagne et l'Italie ont mis en place des observatoires des violences obstétricales, mais les poursuites judiciaires sont rares.

Les mentalités changent

Dans le cas de Nahia Alkorta, l'État espagnol a répondu au Comité de l'ONU qu’« il n'existe pas d'accouchement à la carte » et que le choix de l'intervention incombe « exclusivement » au médecin, défendant les décisions des tribunaux du pays qui ont donné raison à l'hôpital.

Certains soignants considèrent toutefois que les pratiques sont en train de changer et que les femmes sont de plus en plus actives lors de leur accouchement, à l'instar de Daniel Morillas, vice-président de la Fédération espagnole des associations de sages-femmes (FAME). « La première chose à faire pour lutter contre les violences obstétricales, c'est de reconnaître leur existence », déclare-t-il. À l'en croire, « de nombreux médecins et sages-femmes reconnaissent qu'elles existent et essaient de changer les choses ».

Avec AFP.

Source : lequotidiendumedecin.fr