Cotesting, doublement des colposcopies, autoprélèvement : retour sur 2 ans de dépistage par test HPV au congrès de la SFCPCV

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Publié le 03/06/2022
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Crédit photo : Phanie

Quelles problématiques se posent depuis que le dépistage organisé (DO) du cancer du col de l'utérus repose sur un test HPV en première intention chez les femmes âgées de plus de 30 ans ? À plus de deux ans de mise en place avec le remboursement acté durant le confinement en mars 2020, la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV) fait le point à l'occasion de son congrès annuel les 3 et 4 juin.

« Le cotesting, consistant à faire en première intention le test HPV et la cytologie par sécurité, n'apporte rien, rapporte la Dr Christine Bergeron, anatomopathologiste, présidente de Cerbapath et de la SFCPCV. Certains praticiens le font pour se sécuriser, mais cela ne change pas le nombre de cancers invasifs dépistés. »

Pour la spécialiste, il est nécessaire de suivre les recommandations (2019) : un test HPV seul chez les femmes de plus de 30 ans, répété tous les 5 ans s'il est négatif ; s'il est positif, proposer alors une cytologie réflexe. Si cette dernière est négative, un nouveau test HPV est réalisé à un an ; et si elle est positive, une colposcopie est réalisée.

La colposcopie cruciale dans le dépistage

Avec ce nouvel algorithme, le nombre de colposcopies a doublé en deux ans, et ce en raison de deux nouvelles situations : cytologie réflexe positive et, si elle est négative, test HPV de suivi toujours positif à un an. La place de la colposcopie est ainsi devenue « la pierre angulaire » du dépistage du col. « Il y a désormais environ 5 à 10 % d'examens colposcopiques, par rapport à 3-5 % avant, précise le Dr Jean-Luc Mergui, de la SFCPCV et gynécologue-obstétricien spécialisé en pathologie du col (Paris). La colposcopie peut être normale, même si le test HPV est positif et la cytologie aussi. C'est donc important d'avoir un examen de qualité et d'avoir confiance. »

Respecter les recommandations, éviter les erreurs diagnostiques et les surtraitements, tout en prévenant efficacement le cancer du col, tels sont ainsi les objectifs de la charte de qualité mise en place par la SFCPCV. Les professionnels qui y adhèrent sont tenus d'avoir : 1. la formation initiale ; 2. une activité personnelle d'au moins 50 examens par an (seuil > 100/an selon les critères européens) ; 3. une formation continue. Un annuaire sur le site permet de géolocaliser un praticien adhérent de proximité. Si le nombre de colposcopistes lui n'a pas doublé, le Dr Mergui estime que « plus on en fait, meilleur on est. Il vaut mieux des colposcopistes qui en font beaucoup, c'est un gage de qualité ».

Le dépistage organisé mobilise plusieurs acteurs, l'Institut national du cancer (INCa), Santé publique France et l'Assurance-Maladie au niveau national, les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) au niveau régional et les professionnels de santé au niveau local. Si le système est conçu pour être plus performant dans le traitement des données, c'est un raté dans les faits. « Les praticiens doivent recueillir le consentement des patientes à partager leurs données dans le cadre du RGPD et cocher une case sur la feuille d'examen, explique la Dr Bergeron. Or, ce n'est pas fait. Les CRCDC n'ont quasiment pas de retour sur les résultats. » Deux pistes sont avancées pour résoudre la situation, soit en mobilisant les professionnels au recueil du consentement, soit en intégrant l'examen au sein d'un parcours de soins.

Place de l'autoprélèvement

L'organisation n'est pas encore parfaitement huilée. Si l'INCa a validé en mai dernier l'introduction de l'autoprélèvement pour le test virologique dans le DO et que « la crise du Covid a mis en lumière l'intérêt de l'autoprélèvement vaginal », « ce n'est pas prêt du tout, l'INCa prend de l'avance, c'est la première étape du rouage », estime le Pr Xavier Carcopino, gynécologue-obstétricien à Marseille et vice-président de la SFCPCV.

Certes, les avantages sont indéniables, rappelle le spécialiste : la performance est quasi équivalente à celle d'un prélèvement professionnel, les populations non dépistées peuvent être touchées, une intervention médicale n'est pas nécessaire. Mais l'approche n'est pas sans limites, souligne les membres de la SFCPCV. « Si le test est positif, les femmes n'ont pas de référent vers qui se tourner, abonde la Dr Bergeron. Que vont-elles faire du résultat sans information préalable ? Des expérimentations montrent que beaucoup de femmes sont perdues de vue. On perd d'un côté ce que l'on gagne de l'autre. Il faut que ce soit bien encadré. »

Se pose alors la question de comment convoquer les femmes ayant un test HPV positif. Par ailleurs, la cytologie réflexe nécessite un prélèvement professionnel, l'autoprélèvement n'étant que pour la recherche de l'HPV. C'est pourquoi la SFCPCV rappelle la place recommandée pour l'autoprélèvement : l'envoi du kit devrait se faire lors de la relance chez les femmes de 30 à 65 ans qui ne se font jamais dépister, c'est-à-dire 12 mois après le premier courrier d'invitation.

Vaccination HPV : une seule dose suffit-elle ?

L'Organisation mondiale de la santé a recommandé début avril l'administration d'une dose unique de vaccin anti-HPV pour les moins de 21 ans. « Ces résultats s'appuient sur une étude indienne montrant à 9 ans de recul une efficacité identique sur le taux de portage des HPV 16 et 18 pour une, deux ou trois doses de vaccin », explique le Dr Geoffroy Canlorbe de l'hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP). L'objectif principal initial, qui portait sur les lésions précancéreuses, avait été revu en cours d'étude, en raison d'un recrutement insuffisant.

Les résultats de cette étude montrent que, dans un pays aux ressources limitées, « mieux vaut une dose que rien » selon le gynécologue parisien, mais la référence reste l'étude anglaise. Ce travail a montré une diminution des lésions précancéreuses et des cancers dans le cadre du programme national (au moins deux doses) dont la couverture vaccinale était de 80 %.

Les recommandations en France restent à ce jour inchangées (pour les filles et les garçons deux doses avant 14 ans, rattrapage à trois doses de 15 à 19 ans, voire jusqu'à 26 ans pour les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes). La couverture vaccinale contre le HPV en France est l'une des plus mauvaises dans la région Europe, classée en 28e position sur 31.


Source : lequotidiendumedecin.fr