Infertilité : un rapport dessine les contours d’une future stratégie nationale

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Publié le 22/02/2022

Crédit photo : Phanie

« Sujet peu débattu, mal connu, trop souvent ignoré », l’infertilité ne bénéficie pas en France d’une « approche systématique de politique publique », malgré ses « implications à la fois individuelles et collectives », déplore un rapport remis le 21 février au ministre de la Santé, Olivier Véran, et au secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet.

Ces derniers avaient missionné, le 4 octobre dernier, le Pr Samir Hamamah, responsable du département de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier, et Salomé Berlioux, autrice d’un roman inspiré de son parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP), pour « identifier des actions prioritaires en réponse aux causes de l’infertilité – causes médicales, environnementales et sociétales ». Au terme de 4 mois de travaux avec un comité de pilotage de 23 membres et après plus de 130 auditions, leur rapport dessine les contours d’une stratégie nationale que le ministre annonce pour le printemps 2022.

Plus d’1 couple sur 4 recourt à l’AMP

Le document s’attache d’abord à dresser un état des lieux des causes de l’infertilité qui touche directement 3,3 millions de personnes, « un chiffre qui va croissant » : « la difficulté à concevoir un enfant conduit plus d’1 couple sur 4 à recourir à l’AMP », est-il souligné.

Ces causes sont multiples. L’infertilité est notamment la conséquence d’un recul de l’âge de la maternité, lié à des facteurs sociétaux. « En quatre décennies, cet âge a augmenté de cinq ans », pour s’établir à 29 ans en moyenne en 2019, est-il indiqué. À cela s’ajoute une « ignorance du déclin de la fertilité avec l’âge » et une « confiance excessive dans la performance des techniques d’AMP », poursuit le rapport.

Des facteurs environnementaux entrent également en jeu. Une méta-analyse de 2017 montrait un « déclin de plus de 50 % de la concentration spermatique chez les hommes des pays industrialisés entre 1973 et 2011, se poursuivant probablement au même rythme depuis cette date » et « notamment lié à une exposition régulière aux perturbateurs endocriniens », est-il rappelé.

L’impact négatif des modes de vie occidentaux sur la fertilité des hommes et des femmes, « en particulier pendant la période préconceptionnelle (les 6 mois précédant la grossesse) » est aussi pointé : consommation de tabac ou de cannabis, obésité, troubles de l’alimentation… « Ces comportements pourraient même produire un effet transgénérationnel, avec des conséquences sur la santé et la fonction reproductrice de l’enfant à naître », lit-on.

Les causes de l’infertilité peuvent encore être médicales, avec notamment l’endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) chez les femmes, et la varicocèle chez les hommes. Mais, malgré la multiplicité de ses causes, l’infertilité reste « un angle mort des pouvoirs publics », est-il regretté.

La nécessité d’une approche coordonnée et nationale

Le sujet réclame pourtant de s’attaquer aux aspects individuels et collectifs autant qu’environnementaux et sociétaux. Il s’agit par exemple de « permettre aux femmes qui souhaitent avoir des enfants de mener à bien ce projet lorsque leur fécondité est optimale, sans que ce choix porte atteinte à leur carrière », tout en travaillant « en profondeur sur les causes environnementales qui sont à l’origine de nombreuses situations d’infertilité ».

L’enjeu est ainsi de déployer une « approche coordonnée et d’ampleur nationale », estiment les auteurs du rapport, proposant la création d’un Institut national de la fertilité pour « impulser, piloter et coordonner la recherche, les actions de prévention et la prise en charge des patients et patientes ».

Les propositions portent aussi sur l’information du public, « dès le collège et tout au long de la vie », via une journée nationale de sensibilisation à l’infertilité, la création d’un numéro vert et d’un site internet dédié, ainsi que le lancement régulier de campagnes d’information grand public, est-il détaillé. « L’information délivrée ne devra être perçue ni comme anxiogène ni comme culpabilisante ou moralisatrice », avertissent les auteurs qui invitent à « concilier le message d’information avec le libre choix des personnes ».

Côté prise en charge, l’instauration de consultations ciblées devrait permettre de « repérer de potentiels facteurs d’altération de la fertilité », avec une « première consultation médicale prolongée à destination des adolescents ». Dans la même optique, la mise en place d’une consultation préconceptionnelle, « axée sur l’évaluation des facteurs de risques liés à leur environnement et à leur mode de vie », doit être promue et développée.

Formation médicale 

À cet effet, la formation des médecins et des professionnels de santé doit être renforcée. Le rapport préconise notamment d’inclure au contenu du 2e cycle un volet « prévention de l’infertilité » dans les unités d’enseignement (UE) abordant la reproduction et de créer une UE optionnelle « Santé reproductive, causes et prévention de l’infertilité ». En 3e cycle, un enseignement sur la prévention de l’infertilité pourrait être intégré dans l’ensemble des diplômes d’études spécialisées. Un enseignement spécifique dans le DES de médecine générale pourrait également être créé.

Un effort doit par ailleurs être entrepris en matière de recherche dans le domaine de la reproduction humaine et de l’infertilité, avec notamment la mise en place d’un programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR). « Seule cette approche lucide et holistique du défi que représente la fertilité des couples, depuis ses causes jusqu’au parcours d’aide médicale à la procréation lorsque celui s’avère nécessaire, peut permettre de proposer des réponses à la hauteur de l’enjeu », estiment les auteurs.


Source : lequotidiendumedecin.fr