Une proposition de loi pour améliorer la prise en charge psychologique après une fausse couche

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Publié le 01/03/2023
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Crédit photo : Phanie

La commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, ce mercredi 1er mars, une proposition de loi défendue par la députée MoDem Sandrine Josso (7e circonscription de la Loire-Atlantique) visant à favoriser l'accompagnement psychologique des couples confrontés à une fausse couche. Le texte sera débattu et voté à l'hémicycle le 8 mars prochain.

On estime qu'environ 200 000 femmes par an sont victimes d'une fausse couche en France, soit environ 15 % des grossesses. Si les conséquences médicales (hémorragies, douleurs…) sont désormais bien maîtrisées, l'impact psychologique est, selon Sandrine Josso et de nombreux professionnels, insuffisamment pris en compte.

Pourtant, une étude de cohorte anglaise avait montré en 2016 qu'un mois après une fausse couche, 28 % des patientes présentent des signes cliniques compatibles avec un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT), 32 % des troubles anxieux et 16 % souffrent de dépression. Ces risques fluctuent avec le temps, mais restent significatifs à trois mois. Dans le groupe contrôle, aucune femme ne souffrait de TSPT et 10 % souffraient d'anxiété ou de dépression. Ces différences de prévalence entre les deux groupes confirment le facteur de risque majeur que constitue la fausse couche.

La fausse couche, banalisée

« La banalité de la fausse couche n'est pas la banalité du vécu, explique le Pr René Frydman, gynécologue-obstétricien à l'hôpital Foch de Suresnes et pionnier de l'assistance médicale à la procréation (AMP). Surtout à une époque où les désirs d'enfants sont plus tardifs et où chaque fausse couche est vécue comme un enfant qui ne viendra pas, notamment du côté masculin. La plupart des fausses couches étant physiologiquement simples, les femmes ont tendance à passer en dernier quand elles viennent aux urgences et à être mises de côté », accuse-t-il.

Le projet de loi était initialement porté par l'ancienne députée Paula Forteza (2e circonscription des Français établis hors de France, battue aux élections de juin 2022). « C'était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron », rappelle Sandrine Josso.

Dans son premier article, le texte propose que chaque agence régionale de santé (ARS) mette en place un parcours d'accompagnement, « qui associe professionnels médicaux et psychologues hospitaliers et libéraux, dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire visant à mieux accompagner les couples ». L'un des objectifs est d'inciter à la formation de professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesses, et d'améliorer l'information et le suivi psychologique et médical.

Les ARS devront identifier les modalités de prise en charge

La mise en place de ce parcours doit entrer en application à compter du 1er septembre 2023. D'ici là, à charge des ARS d'identifier les modalités de prise en charge mises en place par les établissements et les professionnels de santé sur leurs territoires respectifs. Le texte propose aussi que les sages-femmes puissent orienter les femmes, ainsi que leurs compagnons ou partenaires, vers un psychologue agréé dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy.

Pour le Pr Frydman, le texte de loi ne sera applicable qu'à condition que l'on « revoie le statut des psychologues à l'hôpital. Il va nous falloir davantage de professionnels formés, pointe-t-il. De même, il y a certains endroits en France où il n'existe pas de maternités dotées d'urgences spécialisées. Il faut donc faire appel à des réseaux, une fois l'urgence passée, pour que la prise en charge soit plus adaptée et spécifique. »

L'inclusion du partenaire est par ailleurs un point important identifié lors des auditions préliminaires menées par Sandrine Josso : « Il a une place essentielle, ne serait-ce que pour savoir comment accompagner la femme confrontée à une fausse couche et savoir comment être le bon aidant », insiste-t-elle.

Le « congé fausse couche » en débat

Plusieurs amendements ont été déposés proposant la mise en place d'un congé maladie spécifique aux fausses couches, sans jours de carence. Si Sandrine Josso n'est pas opposée sur le fond à un tel dispositif, elle met en garde contre le risque de perte de confidentialité vis-à-vis de l'employeur. De plus, « quand une femme manifeste le besoin d'un arrêt-maladie, elle en parle à son médecin obstétricien. On ne peut pas faire d'ingérence dans ce qui se passe entre le médecin et sa patiente », argumente la députée.

« Régulièrement, des femmes nous expliquent qu'elles se sont vues refuser des arrêts-maladies par leurs médecins », intervient Judith Aquien, autrice du livre « Trois mois sous silence » et responsable de l'association Fausse couche, vrai vécu. Cette organisation milite pour la mise en place d’une campagne nationale d’information sur les arrêts naturels de grossesse et d'un arrêt de travail 100 % rémunéré d’au moins trois jours, sans carence, à l’instar de ce qui existe déjà en Nouvelle-Zélande. « Il faudrait une étude d'impact à partir des expériences étrangères », rétorque Sandrine Josso.

Avec le Parental Challenge qu'elle a cofondé, Judith Aquien est parvenue à faire entrer un congé fausse couche de trois jours sans carence dans la convention collective de la Fédération Syntec. Un premier pas.

Au cours des débats en commission, certains députés ont fait part de leurs réserves quant à l'efficacité du dispositif proposé : « vous proposez de faire appel aux psychologues agréés par MonParcoursPsy, soit 1 900 professionnels sur les 88 000 » que compte la France, fait remarquer Martine Étienne (LFI, 3e circonscription de Meurthe-et-Moselle). « Cette proposition de loi ne prend pas non plus en compte les déserts médicaux en gynécologie et en psychiatrie », poursuit-elle.

Un besoin de recherches sur l'origine des fausses couches

À l'hôpital Foch, le Pr Frydman met déjà en place un parcours dédié aux fausses couches, avec des plages de consultations réservées à l'accueil des victimes et à un soutien psychologique adapté. « Dans la majorité des cas, il n'y a pas de cause identifiée, précise-t-il. Mais dans la minorité des cas où la fausse couche est due à une maladie abortive ou à une endométriose, il faut s'assurer que cela ne se reproduise pas. »

Le gynécologue pointe le besoin de recherches sur l'origine des fausses couches. « L'implantation est un dialogue entre l'œuf et l'endomètre, explique-t-il. Il faut explorer le rôle du microbiote, des désordres hormonaux et de la génétique dans l'incapacité de l'endomètre à assurer son rôle. »


Source : lequotidiendumedecin.fr